Bruno Gaccio, qui est un vrai chic type, en était tout marri sur France-Inter : ses enfants lui réclamant une console vidéo, il céda à la pression et se rendit à la FNAC où il trouva l’objet. « Vous prenez la garantie bon fonctionnement à 39 € ? » demande le vendeur. –C’est quoi ? – Si la console ne marche pas, vous nous la rapportez et on vous donne immédiatement un bon d’achat équivalent à sa valeur pour en acheter une autre, ou tout autre objet d’ailleurs. –Ca arrive souvent qu’elle ne marche pas ? –Oh… une fois sur deux environ, y a des problèmes. – Il y a bien une garantie constructeur ? – Tout à fait, mais là, comptez environ quatre mois pour être dépanné. - Donc, dit le malheureux Gaccio, si je comprends bien, vous me vendez un truc dont vous savez déjà qu’il est défectueux dans un cas sur deux, et du coup je dois payer 39 € de plus pour être sûr de pouvoir m’en servir ? Haussement d’épaules du vendeur : « C’est le commerce, monsieur. »
Autre joyeuseté, pub TV : une jeune fille fait tomber son ordi et prend un jet d’encre sur son pull. On se demande si c’est une pub pour une imprimante ou un détergent, quand on aperçoit soudain le père, la mère et le petit frère de la jeune fille éclaboussés eux aussi, tandis qu’une voix doucereuse susurre : « Quand votre e-réputation est salie, toute votre famille en subit les conséquences. Mais avec Machinchose protection familiale (je ne vais pas leur faire de la pub, à ces margoulins), vos données compromettantes seront nettoyées ou rendues inoffensives.
Enfin, ce matin, reportage sur les moyens de protéger sa maison contre les cambrioleurs, la totale : porte blindée, abonnement à une société de télésurveillance, alarme et diffusion d’un brouillard opaque qui empêche le malfrat d’y voir clair et permet de le cueillir tandis qu’il cherche la sortie.
Conclusion : on vous vend de la merde assortie d’une assurance complémentaire, des crétins diffusent des calomnies sur le Net (ou vous-mêmes êtes assez stupide pour poster des clichés de vos partouzes ou de vos beuveries), les cambriolages augmentent malgré l’ex-ministre de l’Intérieur bientôt souhaitons le ex-président qui avait fait de la sécurité sa priorité… mais tout ça est GENIAL, car ça génère une activité économique qui booste le PIB de notre beau pays !!! De même que les marées noires boostent l’activité des avocats, des fabricants de détergent et des compagnies d’assurances, ou que les accidents de voiture stimulent l’industrie automobile, l’activité des carrossiers/garagistes, les pompes funèbres, les hôpitaux, les labo pharmaceutiques, les fabricants de prothèses, les compagnies d’assurances (elles gagnent à tous les coups, celles-ci) et j’en oublie sûrement…
Imaginez une seconde- c’est un rêve- que plus personne ne vole ou tue, juste parce que depuis l’enfance on aurait appris aux enfants que cela ne se fait pas et qu’ils l’auraient retenu. ( je répète, c’est un rêve !). CRISE ECONOMIQUE MAJEURE : chômage pour les policiers, les magistrats, les éducateurs, les personnels de sécurité. Plus besoin de contrats d’assurance pour le vol, faillite des fabricants de portes blindées, de fenêtres sécurisées et autres systèmes d’alarme, fermeture des prisons et chômage pour les matons. Baisse des ventes de téléphones mobiles (première cause de vol et d’agression dans les transports en commun) et de tous les objets de valeur que les cambrioleurs affectionnent.
Conclusion : le mal est infiniment plus souhaitable que le bien dans un système où on ne s’intéresse qu’à la rentabilité économique et pas au bonheur et à la paix.
« Puis-je humblement te faire remarquer que les mégots que je jette sont ramassés par de pauvres travailleurs immigrés qui se retrouveraient sans travail s’il n’existait pas des pollueurs de mon genre ? La pollution est créatrice d’emplois, comme les accidents de la route et les cancers. Le malheur et les frustrations contribuent davantage à la croissance économique que le bonheur. Si tu refuses cette réalité, tu n’as rien compris au monde moderne.
- Moralité ?
Marc haussa les épaules, soudain grave :
« Il n’y en a pas. Tu sais bien qu’il n’y en a plus depuis longtemps… »
(JOUER AU MONDE, page 81).
Quand je vous dis qu’il y a tout dans ce roman et qu’il est urgent de le lire ! Urgent, aussi, parce qu’il va bientôt arriver à trois mois de vie et que passé ce délai, les libraires vont le renvoyez à l’éditeur. Ca s’appelle les « retours », inévitables vu le peu de place qu’ont les libraires, faut en faire pour les nouvelles parutions. Ensuite, les romans retournés ont très peu de chances d’être vendus car les libraires- qui viennent de voir leurs marges réduites avec la hausse de la TVA sur les livres, une honte- sont de plus en plus réticents à commander un bouquin de 13 € sur lequel ils en gagnent 4. Vous-mêmes, si le libraire vous dit « je ne l’ai pas, je vais le commander », 9 fois sur 10 vous répondez « Non, je vais voir si je le trouve ailleurs », et votre envie de lire s’estompe en trois pas. On me dira « il reste Internet ». Effectivement. On a beau vouloir soutenir les petits libraires, le système, là encore, favorise les grosses machines.