NUMÉRIQUE OU PAPIER, LA FIN D’UNE GUERRE
Le livre numérique est plombé en France par deux phénomènes opposés: l’abondance de titres proposés à 0 euro ou 0,99 euros pour susciter des milliers achats d’impulsion et faire monter le livre dans les classements des ventes, et les prix élevés fixés par les éditeurs français, à peine inférieurs aux prix du livre papier, dans l’espoir de préserver ce dernier. Résultat: le numérique représente moins de 10% des achats en France- même si le récent confinement a boosté ce secteur- et par ailleurs personne n’imagine le travail de fabrication d’un e-book. Il n’est pas rare d’entendre dire “Ce n’est qu’un fichier, ça ne coûte rien, voire: ça devrait être gratuit!”
Charlotte Allibert, co-fondatrice de Librinova: le livre numérique, bien plus qu’un simple fichier.
Précisons d’abord que le travail de création et d’écriture est le même quel que soit le format du livre. Lorsqu’un auteur envoie un manuscrit, nous le publions puisqu’il agit en tant qu’auteur/éditeur. L’auto-édition n’a pas de service de lecture chargé d’éliminer 90% des manuscrits comme dans les maisons d’édition classiques. Cependant, nous pouvons refuser un texte qui nous heurte pour des raisons de fond (appelant à la haine, au racisme, au sexisme…) et nous pouvons aussi, pour des raisons de forme, conseiller à l’auteur de retravailler son texte. Pas de refus, donc, mais du conseil, car toute l'équipe, ici (voir photo) vient du monde de l’édition et en connaît les exigences.
Le fichier finalisé par l’auteur.e est ensuite corrigé des erreurs de typographie: tirets de dialogue, accents qui manquent, ponctuation mal placée, etc. Il faut aussi vérifier si la police de caractère du manuscrit est compatible avec les différents formats numériques et éventuellement en changer.
Vient ensuite le traitement des notes de bas de page, du chapitrage et du sommaire pour générer des liens permettant de cliquer dessus et de se déplacer à l’intérieur du livre, puis le traitement des métadonnées qui identifient le livre pour les plate-formes numériques: type d’ouvrage, genre, titre, nombre de pages, format.
C’est seulement après ce travail préparatoire sur le fichier qu’on passe à la conversion aux trois formats disponible: epub (le plus répandu) mobi (spécifique à Amazon) et PDF (le plus simple mais le moins vendu!) Les trois formats sont testés pour voir si la conversion n’a pas modifié la mise en page, voire fait sauter des bouts de texte, puis ils sont envoyés à l’auteur ou autrice pour vérification et validation.
Le numérique est une porte d’entrée importante dans l’auto-édition car il permet à des livres écrits par des inconnu.es de trouver un public, et dans 50% des cas, d’éditer ensuite une version papier. Nous jouons aussi un rôle d’interface entre l’auto-édition et l’édition classique, une sorte de “vivier d’auteurs” dans lequel les maisons d’édition viennent piocher. Un auteur Librinova sur cinquante est passé à l’édition classique grâce à ce tremplin, ce qui est unique dans le monde de l’auto-édition. Certaines personnes continuent à éditer elles-mêmes des textes auxquelles elles tiennent, tout en publiant dans l’édition classique. Ces deux mondes, longtemps considérées comme incompatibles, cohabitent, voire collaborent. Tout comme le livre numérique versus le papier.
Le numérique répond à nos vies nomades en permettant d’emporter notre bibliothèque partout, de lire dans les transports en commun y compris sur un smartphone, mais lorsqu’on se retrouve dans une maison, quand on lit au lit, les amoureux du livre continuent à préférer le papier, pour le contact sensuel du papier et la beauté de l’objet, sans oublier une raison importante: si on passe la majeure partie de son temps de travail devant un écran, c’est un signe de repos et de vacances que d’ouvrir un livre papier!