Torpeur estivale, bonheur de journées à plus de 30°, qui donne aux soirées une douceur rare et le plaisir de se promener à minuit bras et jambes nus sans avoir froid. En profiter, cela dure à peine, c’est déjà fini à l’heure où j’écris, l’orage de la nuit a rafraîchi l’air. J’espère que le mois d’août n’a pas dit son dernier mot, surtout en cette exquise décade du 2 au 12 août, la plus calme de l’année : téléphone presque muet, rues tranquilles, pas alanguis des touristes, rythme nonchalant des travailleurs d’août qui prennent le temps de vivre. A la pause déjeuner, ils se pressent nombreux à la piscine et au solarium, vite déshabillés, vite rhabillés, un pur bonheur ! (quiconque a essayé de renfiler des collants sur des jambes humides en allant à la piscine l’hiver sait de quoi je parle)
Après le bureau, le pique-nique devient un art de vivre à Paris ou ailleurs : on déplie sa nappe, on trinque, on bavarde à mi-voix, c’est enfin possible quand les automobiles se font plus rares et que le vacarme urbain cède la place au cliquetis des roues de vélos. Vie simple, peu chère, délicieuse. Inutile de se ruiner en douches cascadeuses: un gant humide passé sur le corps à intervalles réguliers procure une exquise sensation de fraîcheur. Ca peut se faire partout : au bureau, chez soi, presque dans la rue. Rue où par ces temps torrides tout est permis : on n'a jamais vu autant de robes séduisantes, de nombrils en goguette, de jambes fines et dorées. La chaleur a décidément du bon. Somnolence, mais aussi alanguissement, assouplissement de muscles d'ordinaire raidis par l'humidité, odeurs corporelles dont on s'aperçoit qu'elles peuvent être- si on garde une hygiène normale- délicieusement stimulantes. Sensation de la sueur glissant le long du dos. Animale ? Oui, mais tellement sensuelle. Siestes crapuleuses d’après-midi, « café du pauvre » d’autant plus généreusement offert qu’on a enfin le temps.
L’été, tout se goûte au ralenti. Le silence d'un quartier piéton, ponctué de voix tranquilles venant d'une fenêtre ouverte, l'odeur du foin coupé, la quiétude d'un retour nocturne à bicyclette sur les quais déserts, l’impression d’être constamment dedans-dehors et dehors-dedans. On sort en s’habillant à peine, l’extérieur devient une prolongation naturelle du chez soi. Jusqu’au surréel parfois. Lors d’une précédente canicule, j’ai vu un soir un homme sortir d’une maison torse nu et pieds nus, une serviette nouée autour des reins, comme s’il s’apprêtait à entrer dans sa salle de bain et s’était trompé de direction. Je l’ai suivi des yeux, puis il a tourné à gauche en bas de ma rue. Je me suis précipitée pour voir où il allait, mais il avait disparu, happé dans une faille du continuum spatio-temporel. Je suis retournée sur mes pas et ai entendu, venant de nulle part, une voix de basse en sol majeur murmurer : « Bonsoir ».