« Arghh ! dis-je à mon banquier, il suffit que je parte en voyage pour que vous fassiez plein de bêtises ? Ca fait pourtant un bail que je vous dis que ce système absurde va se casser la figure, un bail que je vous serine qu’on vit dans une société toxicomane où l’argent virtuel n’est plus de l’argent mais une drogue qui rend fou. Et voilà, vous avez atteint l’overdose ! Et en plus, vous faites les étonnés, les surpris, les innocents… Vous avez entendu Christine Lagarde hier matin ?: « Je pense personnellement que la crise actuelle vient d’un manque de règles dans le jeu financier… nia nia nia… » Ce n’est pas elle qui ne jurait que par la dérégulation des marchés il y a peu, persuadée que le marché, qui comme chacun sait est une sorte de Polomoche[1] qui pense, parle, s’angoisse, se réjouit, grimpe et tombe, il suffit d’écouter Jean-Marc Sylvestre dans sa chronique boursière pour visualiser le marché comme un monstre tout bouffi… persuadée, disais-je, que le marché se régule tout seul et que l’homme, face à l’argent et au pouvoir, aura la sagesse de dire « non, là, c’est trop, j’en ai assez, laissez-en pour les autres? Que nenni, mon brave, l’homme n’est pas bon par nature, il est bon si on lui tire les oreilles quand il merde, allez, montrez-moi vos oreilles… »
Trois jours que je suis rentrée et déjà l’envie d’un coup de gueule ! Heureusement que j’ai assez la forme pour ne pas risquer l’infarctus. Dieu que c’était bon de n’ avoir ni radio ni télé dans nos pitites chambres,
ou alors, quand TV il y avait, de regarder une série peuplée de belles filles en jeans et chemises à carreaux capables de dresser un cheval à mains nues et d’attraper un homme au lasso, si, si, je vous jure, ça existe. Parce que, comme disait ma grand-mère, « pas de nouvelles, bonnes nouvelles », alors que dès qu’on écoute les nouvelles, surtout en boucle, la fin du monde est proche…
Dire qu’avant mon départ l’autre buse serinait « La France est en faillite, les caisses sont vides » pour justifier son incapacité à trouver un milliard d’euros pour financer le RSA, et que là, magiquement, on trouve des centaines de milliards de dollars ou d’euros pour sauver des banques qui ont joué/perdu, mais quand on joue gros, on perd pas, c’est la règle du jeu financier que la dame Lagarde dit vouloir réguler.
« Penses-tu, m’explique un gars qui fait dans la finance, il n’est pas question qu’ils arrêtent de jouer aux cons, ça rapporte trop. Ils sont déjà en train d’inventer des produits financiers encore plus complexes pour qu’on s’y retrouve encore moins, bourrés d’assurance et de réassurance… qui exploseront à leur tour. A moins que d’ici là, ceux qui vont vraiment payer le prix de la crise (licenciements, épargne fondant comme beurre dans la poêle, crise du logement, etc) explosent à leur tour.
Il y a une quinzaine de jours- l’avez-vous entendu ?- un PDG indien travaillant pour le compte d’un équipementier automobile italien a été battu à mort par ses salariés licenciés. Le Ministre de l’Emploi indien a dit que ce drame illustrait l’exaspération croissante des travailleurs et devrait servir d’avertissement à tous les dirigeants. Mamma mia ! Il a dû s’excuser dès le lendemain pour avoir osé dire la vérité : au-delà d’un certain seuil de misère et d’humiliation- le manque de dignité aggrave le manque d’argent- il y a risque d’explosion sociale.
Allez, promis, le prochain billet sera plein de photos et de jolies choses…
[1] Quand j’étais petite, mon frère aîné me lisait une histoire avec un monstre appelé Polomoche qui sentait la pomme pourrie, si effrayante que j’en tremble encore.