Etonnant : alors qu’il se passe des conflits meurtriers, une crise économique lourde de conséquences, des injustices révoltantes et des arrogances insupportables, le « top » des sujets sur rue 89 est Ni libertin ni infidèle, le polyamour fait des ravages | Rue89 immédiatement repris par France info qui pour l’occasion a repiqué une ITV de moi publiée sur Dailymotion et provenant d’un entretien donné il y a plus de trois ans à un journaliste suisse. Heureusement que je suis fidèle à mes convictions, sinon je me trouverais bien stupide devant ces articles tout neufs bricolés avec du vieux !
J’étais invitée vendredi dernier à la rencontre d’une vingtaine de jeunes hommes et femmes polyamoureux et désireux de le faire savoir parce que disent-ils, tout comme il a fallu que les homosexuels occupent le terrain médiatique pour qu’on admette à peu près leur orientation sexuelle, il faut que les amoureux pluriels s’affichent pour cesser d’être regardés comme des adultérins sans honte, des libertins, des bêtes curieuses. Bonheur de se sentir moins seule et de passer la soirée avec des personnes chaleureuses, gentilles et gourmandes de vie.
M… charmant trentenaire aux yeux d’écureuil m’a donné la recette roborative du reblochon en pâte feuilletée, F. avait des seins d’enfer qu’un allumé ressemblant à Iggy Pop m’a assuré être à la portée de ma modeste poitrine si je concentrais mon énergie pour en capter le volume. Je vous le dis tout de suite : ça ne marche pas ! On a parlé jusqu’à plus de minuit, tout le monde était heureux de cette rencontre. J’ai testé sur eux mon idée d’appeler les polyamoureux des Lutins et Lutines, ils ont trouvé ça joli. Lutiner, c’est faire une cour malicieuse et légère, les Lutins sont des « diablotins malicieux intervenant surtout la nuit », c’est assez bien vu J
Le lendemain, sur « rue 89 », les commentaires allaient bon train pour juger cette « nouvelle norme », Pourquoi norme ? L’idée est justement de ne pas normer : la monogamie est normative puisqu’elle OBLIGE à l’exclusivité sexuelle sous peine de transgression et de culpabilité, la biodiversité amoureuse n’oblige personne à avoir plusieurs amoureux, elle ouvre la POSSIBILITE de le faire ou de n’en avoir qu’un, ou pas du tout, d’être célibataire ou marié. Elle consiste à admettre la DIVERSITE des façons d’aimer, point barre. Ce n’est pas un modèle de substitution.
Un internaute s’afflige du succès de ce sujet alors que tant d’autres plus importants sont moins lus. Il a raison, mais pas tout à fait. Car on ne changera pas le monde sans changer soi-même. La libération sexuelle des seventies, plaquées directo sur des personnes dont le mental n’avait pas fondamentalement changé a provoqué quelques réactions désastreuses. La vie privée est le reflet de la vie publique, comme dirait cette bonne Mireille Dumas. Sur ce blog, par ailleurs assez politique, j’ai constaté que viennent des lecteurs souvent anar/libertaires, écolos ou de sensibilité bouddhiste.
Or les amoureux pluriels prônent l’autonomie et la responsabilité de chaque individu sur sa vie, comme les anars/libertaires, ont conscience de l’impermanence des choses comme les Bouddhistes, et respectent les principes écologiques- diversification des énergies, priorité au naturel, non appropriation du vivant, respect des rythmes biologiques, biodiversité- comme je l’avais écrit en juin 2007 dans le Nouveau Consommateur. Ca ne se fera pas en un jour parce que cette logique va l’encontre d’un environnement social basé sur l’appropriation, la domination et la peur.
Mais si l’on s’affranchit déjà au niveau des relations personnelles de l’appropriation, de la domination et de la peur, alors pourra-t-on peut-être changer de système et ouvrir de plus heureux possibles.