Elles sont devenues folles par amour… Elles ont connu un terrible traumatisme sexuel… Deux émissions sur l’amour fondées sur des histoires destructrices. Rien de nouveau sous le soleil : des copains de fac devenus juges m’avaient dit combien les histoires d’inceste et de viol faisaient leur quotidien déjà à la fin des années 70. Le viol, crime sexuel ? Beaucoup plus crime de violence, qui se repaît de la peur de la victime plus que de la jouissance sexuelle. Ce qui explique que les victimes sont plus souvent des filles timides, quasi effacées, que de provocantes séductrices. Celles-ci font peur au violeur, qui ne veut pas séduire, mais abîmer.
On me dira « oui, mais ce sont des violeurs, des malades ». Certes, quoique la majorité des hommes qui agressent les femmes- du harcèlement sexuel au viol réel- sont loin d’être des psychopathes, plutôt d’honnêtes pères de famille… Mais surtout, il semble que les hommes grandissent avec l’idée de dominer et faire peur, et que les femmes sont élevées dans l’idée qu’elles doivent avoir peur : d’aborder un inconnu dans la rue, de sortir la nuit, de mettre des jupes courtes, de voyager seule… Combien de fois ne m’a-t-on pas dit « Mais tu n’as pas peur ? » quand je racontais des voyages en solitaire !
« Il y a une juste façon de marcher pour une femme, tard le soir. Trop doucement, elle semble attendre, trop vite elle semble fuir. Prendre garde aussi au rythme de ses pas, au bruit des talons sur le macadam. Trop silencieux, il les fait sursauter, trop bruyant, il peut devenir une provocation, attirer la convoitise. A toutes les filles du monde, depuis la nuit des temps, on apprend à provoquer l’homme puis à s’en défier. A le mettre en érection permanente puis à le frustrer. A lui montrer partout du sexe jusqu’à l’obsession, puis à haïr son excitation. Guerre des sexes de tous les instants attisée par l’obsession de la sécurité et la peur du risque. Le désir est un risque. Lola décide de le prendre. » (Ce qui trouble Lola)
D’ailleurs les femmes qui n’ont pas peur des hommes font peur aux hommes. On s’imagine qu’une auteure de romans érotiques est sans cesse courtisée. Du tout ! Elle suscite la curiosité et l’intérêt ou incite à proposer des défis sexuels, mais elle rencontre fort peu d’hommes prêts à tomber amoureux d’elles. Franck Spengler, mon éditeur, me racontait que toutes ses auteures se trouvent confrontées au même problème : des hommes désemparés face à une femme ni dure, ni agressive, mais simplement dépourvue de peur face à lui. Un ami homme m’a dit un jour : « C’est normal, vous connaissez trop bien les hommes et ne tombez plus dans leurs pièges, alors ils perdent leur statut de chasseurs. » Je me souviens d’un autre me disant « Tu me fais peur. Tu sais ce que tu veux, et pourtant tu es douce, je n’ai jamais vu cela ».
Pour quelle raison cette « mâle peur », titre d’un beau livre du Dr Gérard Leleu, qui l’a très peu vendu, preuve qu’il abordait un sujet tabou ? Sa thèse : l’homme, dans tous les pays et à toutes les époques, est fasciné par le désir féminin, mais le redoute de crainte de n’être pas à la hauteur. Pour s’en garder, il a édicté des lois d’oppression contre les femmes : tchador, excision, lapidation, interdiction de la contraception, obligation de la pudeur « bien féminine » et haro sur les femmes sexuellement épanouies. Moyennant quoi, les femmes ont vu en l’homme un oppresseur et non pas un être complémentaire, et fait de l’amour une sujétion qui les entraîne dans des passions destructrices, ou alors une monnaie d’échange (l’amour contre la sécurité du foyer) au lieu d’un jeu amoureux en duo harmonieux. ( heureusement, il y a des exceptions.).
Bref, la peur ressentie par l’homme a engendré une peur ressentie par bien des femmes face aux hommes. Certaines n’osent pas s’affirmer de crainte de n’être plus aimées, d'autres revendiquent comme des guerrières face à l'ennemi vaincu. Et on s’étonne que les relations amoureuses soient difficiles… Qu’en pensez-vous, garçons et filles ?