Professeur de lettres et résistante, Micheline Maurel a été déportée au camp de Ravensbrück à l’âge de 27 ans. Elle a survécu et écrit en 1957 un livre intitulé « Un camp très ordinaire » qui reste l’un de ses seuls livres disponibles, ainsi que des poèmes sur sa déportation :
"Il faudra que je me souvienne
Plus tard, de ces horribles temps
Froidement, gravement, sans haine
Mais avec franchise pourtant."
Avant de la « googleliser », je ne le savais pas. Pour moi, Micheline Maurel est l’auteur d’un recueil de contes qu’on m’a offert quand j’avais huit ans et dont je découvre avec le recul les graines qu’ils ont semé en moi.
« Him-li-co ou le 8è enfant » : l’histoire d’un couple ayant sept enfants blonds aux yeux bleus- de vrais petits aryens- dont les prénoms commencent par A(Alain) B (Brigitte) C (Charlie) et ainsi de suite, avec une alternance parfaite de garçons et de filles. Dans ce monde très ordonné survient une 8è grossesse et naît un petit garçon jaune aux yeux bridés. Le papa avait une grand-mère chinoise dont le portrait peint trône dans la salle à manger. Comme les parents attendaient une fille blonde aux yeux bleus qui se serait appelée H comme Hélène, ils n’ont pas prévu de nom de garçon et n’arrivent pas à se mettre d’accord. Jusqu’au soir où la grand-mère chinoise sort de son tableau et reprend le bébé. Les 7 frères et sœurs réalisent alors qu’ils aiment ce petit qui leur ressemble si peu.
Je vous passe les péripéties, mais à la fin, les enfants entrent dans le tableau et se retrouvent en Chine où est leur petit frère. Ils proposent de l’appeler Him parce qu’ils ne pensent qu’à Lui, et li-co pour faire plus chinois. La grand-mère rend alors le bébé et les enfants le ramènent chez eux en ressortant du tableau.
Changer l’ordre établi, accepter la différence, s’unir pour résoudre un problème… que de graines intéressantes dans cette histoire.
Une autre que j’adorais, "le prince d'Yvoire": une petite fille se sentait seule dans la cour de l’école où les autres élèves la détestaient. Pour se consoler, elle lisait des légendes du temps jadis. Un jour, caressant du doigt l’illustration du château où vivait le gentil chevalier de ses rêves, elle sent la porte s’ouvrir, entre et se retrouve au XIIIè siècle face au chevalier qui n’est guère plus âgé qu’elle. Au Moyen-Age, on était adulte à l’adolescence !
La fillette ramène le garçon chez elle, les parents l’accueillent sans difficulté (toujours cette fameuse tolérance !) et la fillette est enfin heureuse d’aller à l’école puisqu’elle a un ami. Sauf qu’elle a la trouille que celui-ci retourne dans son époque. Elle déchire donc la page du livre avec le dessin du château et met les morceaux dans un tiroir. De ce jour, le chevalier tombe malade. Une fièvre que le docteur appelé ne sait pas comment guérir. La petite fille lui dit : « C’est peut-être parce que j’ai déchiré l’image du château qu’il est malade ? –Peut-être, dit le docteur, parce que tu l’empêches de rentrer chez lui si un jour il le souhaite. Il ne faut pas retenir les gens de force, paas essayer de les enfermer. » Alors la petite fille recolle les morceaux de l’image, les montre à son ami qui sourit… et guérit. Bien évidemment, il n’eut jamais envie de partir puisqu’elle le laissait libre, et ils vécurent heureux…. Sans que le conte ajoute « et eurent beaucoup d’enfants. »
Je veux bien être pendue si cette histoire n’a pas influencée mes choix amoureux !
Une dernière pour la route : le soir de Noël, juste avant minuit, une minute s’échappe de l’horloge, lasse d’être emprisonnée dans un cycle immuable. Cette minute rebelle se pose partout : sur la main du général qui va signer la déclaration de guerre et stoppe son geste, sur la tête du prof qui doit ramasser les copies dans deux minutes, donnant un délai supplémentaire aux élèves, sur le bourreau qui doit déclencher la guillotine et arrive à temps l’ordre de gracier le condamné, etc… Bref, cette minute de réflexion permet d’éviter plein de drames… ce qui ne fait pas l’affaire des mathématiciens, politiciens ou astronomes qui ne supportent pas de ne plus maîtriser le temps et cherchent à capturer la rebelle. Je ne me souviens plus si elle est ou non rattrapée, mais je me souviens de la jubilation que m’apportait cette minute en liberté qui arrivait à changer le monde.
Tolérance, liberté, action… je ne me doutais pas que Micheline Maurel avait mis en œuvre ces valeurs dans sa vie de résistante et déportée. Enfant, j’adorais surtout le merveilleux qui permettait d’entrer dans les tableaux, de traverser les miroirs et de s’affranchir du temps (Jouer au monde, en quelque sorte J ) Mais quand je mesure l’influence inconsciente que ces histoires ont eu sur moi, je me dis qu’au-delà des parents, des profs et autres éducateurs, l’influence du cinéma, d’Internet ou de la TV sur les valeurs qu’auront nos enfants est forcément majeure. D’autant plus qu’ils y passent encore plus de temps que nous n’en passions à lire.
Un de ces quatre, je vous parlerai de Paul Berna.
Actualité du « guide des amours plurielles » : Lundi 15 juin à 20h, discussion au Café de l’Amour, Bistrot St Antoine, 58 rue du Fbg St Antoine à Paris. Inscriptions sur www.cafedelamour.fr Jeudi 18 juin émission « Lahaie, l’amour et vous » sur RMC, 14h/16h Plusieurs ITV radio à écouter sur http://www.polyamour.be |