1986 : premier voyage à Cuba, à une époque où l’île vivait bien grâce au commerce avec l’URSS, malgré l’embargo américain. Je découvre combien chaque visiteur juge le régime en fonction de ses a priori : les uns comme un paradis, les autres comme une prison. 1987 : Jean Ziegler, rapporteur de l’ONU pour le droit à l’alimentation rencontre Thomas Sankara, président du Burkina Faso qui veut célébrer la mémoire de Che Guevara, assassiné le 9 octobre 1967. Sankara, qui a 38 ans se tourne vers Ziegler : « Il avait quel âge, le Che, lorsqu’il est mort ? – 39 ans. » Sankara murmure, pensif : « Est-ce que j’arriverai jusque là ? » Le 15 octobre 1987, Sankara est assassiné lors du coup d’Etat mené par son ami Blaise Compaoré avec le soutien de la France et d’Houphouët-Boigny alors président de Côte d’Ivoire.
Thomas Sankara a rebaptisé la Haute-Volta en Burkina Faso (Pays des
Pourquoi rapprocher Che Guevara et Sankara ? Parce que ces deux
Certes, il y a
2001,2004, 2007 : autres séjours à Cuba, dont un en voiture avec un ami parlant espagnol, ce qui nous a permis de loger chez l’habitant et de parler avec des cubains hors circuits touristiques. Ils critiquaient Une vieille dame que je regardais danser une salsa torride avec un superbe cavalier de trente ans de moins qu’elle a surpris mon regard et m’a apostrophée. On m’a traduit ses paroles : « Madame, ici il n’y a ni jeunes ni vieux, ni riches, ni pauvres, ni noirs ni blancs, il y a des êtres humains ». J’ai vu en 2001, bien avant le Grenelle de l’Environnement, une pancarte dans un magasin d’Etat indiquant : « Avant d’acheter quelques chose, demande toi si tu en as besoin, si l’objet a été fabriqué dans de bonnes conditions, s’il ne nuit pas à l’environnement ». Jamais vu ça ailleurs !
J’ai dîné avec une danseuse à la Havane, qui m’a raconté son enfance miséreuse sous Batista, petite fille d’ouvriers agricoles dans l’Est de l’ïle. « Sans Castro, jamais je n’aurais appris à lire, jamais je ne serais devenue danseuse ». Elle en pleurait. De reconnaissance. Cuba est le seul endroit entre 1998 et 2003 où au lieu de nous dire comme partout « vous êtes français ? Zinedine Zidane ! » On nous a dit : « Vous êtes français ? Victor Hugo, Robespierre, Zidane. » Où nous avons parlé de littérature française tout une soirée avec des étudiants à
On s’est rattrapé avec les orchestres : peu de CD, peu de matériel de sono- manque d’argent- mais partout des musiciens avec leurs instruments, souvent de qualité. Je terminerai par la supplique d’une jeune militante : « On n’est pas parfaits, c’est vrai, on ne vous demande pas de vivre comme nous. Mais au moins, laissez-nous essayer
Che Guevara etThomas Sankara sont morts avant que le pouvoir ne les pourrisse… Depuis, l’idée même d’un monde moins inégal est qualifiée d’utopie, et ceux qui s’en offusquent dûment sommés d’être réalistes : « La mondialisation coco, la loi du marché !!! » en oubliant que ces deux mamelles de l’économie prédatrice ne sont pas des lois biologiques ou physiques mais des créations purement humaines. Inhumaines.
PS. Pour s’éclaircir les idées, allez voir « Le rideau de sucre », documentaire tourné par une Cubaine, qui montre les deux côtés du miroir, l’ombre et la lumière. Lire, de Jean Ziegler (un type formidable, qui témoignait dans le documentaire « we feed the world », avec un