Ca Bruxellait tonique à Bruxelles le 6 juin dernier. Au programme : auberge espagnole riche des plats et desserts concoctés par les participants, présentation de mes livres et échange sur le thème : « Peut-on changer le monde si on ne change pas soi-même. » Avec Polyphil de Polyamour.be (tee-shirt rouge) Thomas ( en blanc) de l’association Bruxelles Laïque et une septantaine d’heureux pluriamoureux (terme que je préfère à polyamoureux) ce qui ne signifie pas béats, ni exempts de tout questionnement, au contraire. Ce n’est pas parce qu’ils s’aiment que tout est définitif. Les pluri s’intéressent aux variations naturelles du désir et des sentiments qui ne veulent pas dire qu’il n’y a plus désir ou sentiments mais que ceux-ci sont évolutifs, comme la vie.
Mais pour ne pas figer l’Amour dans un écrin qui sent la poussière, ni s’accrocher à UN modèle qui devrait être comme ceci et pas comme cela, pour inventer en permanence les liens qui font que telle ET telle personne donnent envie de faire un bout de chemin avec elles, pour accepter sereinement que toutes les amours sont passionnantes mais pas forcément uniques ni éternelles, il faut forcément s’interroger sur ce qui fait croire le contraire à des milliers de personnes.
La soirée avait lieu à l’association Bruxelles Laïque. Ce n’est pas indifférent si l’on songe à l’influence des religions. La France longtemps, fut « fille aînée » de l’Eglise et ses lois s’en ressentent, tout comme le débat sur le voile islamique a amplement prouvé que même dans un Etat laïque la religion reste prégnante. Débattre dans un lieu voué à la défense de la laïcité, était donc l’occasion rêvée pour relier nos vies privées à la vie publique.
« Est-il possible de changer le monde sans changer soi-même ? », question choisie en référence à deux expériences passées : le couple « open » des seventies où la liberté sexuelle obligatoire par simple réaction à la « morale bourgeoise » est vite devenue un diktat aussi pesant que ladite morale, avec de surcroît des sursauts de possessivité hystérique dont on se souvient encore dans le landernau des gentils communautaires, qui prouvaient qu’il est difficile de changer ses relations amoureuses si on n’a pas profondément changé sa logique de pensée. Autre expérience : la communauté, justement, quand on théorisait à donf sur la non-propriété et la gestion collective et qu’on se retrouvait à gueuler sur le mec qu’avait pas nettoyé la tondeuse communautaire. « Puisque c’est comme ça j’en achète une rien que pour moi et personne n’y touchera ! », réaction de propriétaire aisément transposable aux rapports de pouvoir qui unissent et défont les groupes et les couples : le goût de posséder, dominer, mépriser… C’est ce que font 20% des terriens qui s’approprient 80% des richesses de la planète au détriment des 80% d’humains laissés pour compte. C’est ce que font les machos désireux de s’approprier une femme en la dominant par la brutalité si besoin est, par le mépris ou l’argent dans les sociétés plus policées. ( lire le texte de la causerie ici, c'est un cadeau à télécharger)
La brutalité, le mépris et l’obsession pour l’argent, voilà justement ce qu’on oublie pendant une elle soirée. J’aime, chez la majorité des pluriamoureux, leur façon d’être naturellement attentifs aux autres, leur tolérance, leur humour. Leur joie de vivre aussi : gourmandise pour la nourriture, appétit pour les discussions de toutes sortes. Pour la sensualité aussi. Ce sont des personnes tactiles sans être lourdes, et ça, c’est bigrement agréable. Pouvoir se toucher ou être touché- à tous les sens du terme- sans se demander avec anxiété jusqu’où il va « falloir » aller. On n’ira que là où on le souhaite, sans pression d’aucune sorte. Qu’il est reposant de pouvoir sauter au cou d’un homme sans crainte de se faire harponner par sa copine jalouse ! Qu’il est délicieux de parler de sexe et de plaisir avec sensualité et plaisir, sans grivoiserie. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup…
Quand les pluriamoureux seront assez nombreux à vivre ouvertement leur choix et que les autres verront qu’il leur apporte plus de bonheur et de sérénité, cela induira forcément une évolution de la société vers ces valeurs de l’Etre plus que de l’Avoir. Puis forcément vers des liens sociaux plus fraternels, faits de joie de vivre plus que de plaisir de consommer. Ce n'est pas du militantisme, c'est de l'imprégnation. Certes, il existe des pluriamoureux résolument carnivores, conducteurs de 4x4, consommateurs de gadgets et amateurs de jeux vidéo. Néanmoins, ce n’est pas un hasard si on rencontre chez les pluri autant de personnes adeptes d’une vie sobre et de relations humaines chaleureuses, hostiles à la compétition, curieuses de tout, en recherche de valeurs spirituelles et de relations égalitaires et démocratiques. Ce n’est pas un hasard si plusieurs d’entre nous se sont retrouvés en phase avec les « indignés »…
Mais ceci fera l’objet d’un prochain billet.