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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 14:18

groult mon évasionLe 31 janvier dernier, vous eûtes 92 ans. D’aucuns vous croient presque immortelle mais ce n’est pas mon genre, excepté si vous étiez Académicienne. Alors comme je déteste les hommages posthumes où « les morts sont tous de braves types » disait Brassens (les femmes aussi sûrement…) j’ai envie, avec pour prétexte votre récent anniversaire, de vous remercier dès aujourd’hui pour tout ce que vous m’avez donné.

Sans doute vous trouvé-je géniale en raison d’affinités de pensée, il est rare que l’on admire des personnes qui pensent rigoureusement aux antipodes de vos convictions, mais pas que… Si je suis effectivement féministe, amoureuse de la vie et des hommes et révoltée par les discriminations quelles qu’elles soient, ce n’est pas sans mélancolie parfois, comme une sorte de découragement. Et là, c’est bien grâce à vous que j’ai su garder la petite flamme qui toujours éclaire l’obscurité et les obscurantismes.

Quand je me sens découragée, relire la diatribe de George contre Gauvain qui répète « C’est comme ça  » pour excuser sa résignation (in « les Vaisseaux du cœur »), me requinque illico, et me permet d’engueuler copieusement mes Gauvain à moi, ni pêcheurs ni Bretons, mais parfois bien défaitistes…

groult vaisseauxAh ! « Les Vaisseaux du cœur »… L’ai-je lu huit fois, dix fois ? Impossible à dire, je le connais presque par cœur. J’aime me blottir dans mon gros coussin rose et en relire quelques pages correspondant à mon humeur du moment, j’aime retrouver dans vos descriptions quelques uns de mes souvenirs : « Quand la vie tient ainsi tout entière dans l'instant et qu'on parvient à oublier tout le reste, on atteint peut-être la plus intense forme de joie. »  On croit que le désir est infiniment personnel, que nulle autre que soi n’a ressenti une telle intensité, et c’est pourtant avec une jubilation sans pareille que j’ai lu vos pages sur le désir dans lesquels je reconnaissais certains des miens. Les Vaisseaux du cœur me servent aussi d’étalon-mesure : un homme qui n’aime pas ce livre aura du mal à me séduire.

groult touche étoileAujourd’hui où j’ai de plus en plus conscience qu’il me reste à vivre moins que ce que j’ai déjà vécu, je suis émerveillée par votre description si honnête de l’âge. Vous n’êtes pas du genre à vous bercer d’illusions sous prétexte que les gens vous trouvent toujours dynamique, pas plus que je ne crois ceux qui prétendent que je ne matriochka3change pas. Si, on change, mais comme vous l’écrivez, subsistent en nous l’enfant, la jeune fille, la jeune femme et la femme mûre…  « L'âge est un secret bien gardé. Dire ce qu'est la vieillesse, c'est chercher à décrire la neige à des gens qui vivent sous les Tropiques. » (La touche étoile) Peu de personnes ont le courage de le dire.

Je suis féministe et le resterai toujours. Il suffit de voir la fureur de certains hommes pourtant éduqués lorsque je leur lis des extraits de votre livre : « Cette mâle assurance » recueil de perles machistes énoncées par d’éminents poètes, scientifiques, philosophes, journalistes… à travers les siècles, pour comprendre combien nous sommes loin d’être sorties de l’auberge phallocratique. Ils sont en fureur non pas contre leurs semblables, mais contre moi, qu’ils soupçonnent d’être « en guerre contre les hommes ». Guerre, ô que groult ainsi soitellenon ! Là encore, Benoîte, vous avez fait beaucoup en montrant qu’on peut être viscéralement féministe et aimer tout aussi viscéralement les hommes. Qu’on peut s’indigner à raison : Il y a tout de même une distorsion incroyable des valeurs à voir des députés ou les forcenés de "Laissez-les vivre" nous présenter des embryons qui n'ont guère plus de conscience qu'une larve d'insecte, alors qu'on discute très abstraitement dans les instances internationales de la faim dans le monde, sans que personne ose poser sur la tribune un vrai enfant en train de mourir de malnutrition. Le seul contenu de nos poubelles ressusciterait le Sahel. (Ainsi soit-elle)

100_PANA685.jpgEt parler avec une tendresse infinie de l’homme aimé. Vous m’aviez reçue chez vous pour une interview sur « mai 68/ mai 2008 », juste avant de rejoindre à vélo l’éditeur qui vous conviait à déjeuner. Pédaler dans Paris à 88 ans, je rêve d’être capable de le faire !  Vous m’aviez raconté avec allégresse que vous vous apprêtiez à partir à la pêche à pied en Irlande (« en Bretagne, il n’y a plus rien à récolter ! ») avec une de vos filles, puis aviez enchaîné sur la merveilleuse complémentarité que vous aviez avec Paul Guimard : « Il aimait la voile, moi pas, j’aimais la pêche, lui pas. On partait donc ensemble en bateau, il naviguait, et je pêchais… »  D’autres auraient vécu cette complémentarité comme une opposition insoluble…

Ce jour là vous m’avez donné la plus belle définition de l’amour, que j’ai mise en exergue du « Guide des amours plurielles » : « Aimer, c’est partager tout ce qu’on peut et souhaite partager avec l’autre. Et pour le reste, mener sa vie comme on l‘entend. Seul cet amour est durable. » Vous m’aviez demandé depuis quand j’étais en couple, puis murmuré : « Continuez, vous verrez, avec les années, c’est de mieux en mieux… » Vous aviez raison, à l’opposé de tous les préjugés sur la routine inhérente à la vie commune. Nous avions parlé de la routine, que l’amour transforme en délicieux rituels et le désamour en ennui… Ennui qu’il faut aussi se garder de diaboliser, comme le veut l’époque, à laquelle vous résistez avec humour :

miroir.jpg-Aujourd'hui, mon chéri, on s'ennuie de quatre à six.

 -Encore? On s'est déjà ennuyés hier...

 -C'est bon pour l'imagination. On devient idiot si on ne sait pas s'ennuyer.

(La touche étoile)

Humour et féminisme, ce n’est pas si fréquent, je me suis souvent heurtée à des féministes pures et dures traitant « d’asservie du phallus » celles qui persistent à aimer l’autre sexe.

Mais votre plus beau cadeau, c’est votre amour de vous, qui m’a sûrement aidée à cultiver l’amour et la confiance en moi sans  culpabiliser. A une femme jalouse qui me reprochait d’être trop sûre de moi (étrange reproche…) j’aurais volontiers répliqué:

Eh bien oui, je suis égoïste. Et alors? Il me semble au contraire qu'en m'aimant moi-même je suis devenue plus généreuse avec les autres. Les perpétuels déprimés, voilà les vrais égoïstes. Rien de plus exigeant, de plus narcissique et égocentrique qu'un déprimé chronique! (Mon évasion)

Pour cette joie de vivre contagieuse, Benoîte, merci.


P1010356.jpg


 

 

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