Trois lectures, trois phrases artifices, comme les feux du même nom. Elles font du bruit, puis Pschitt…
« Le rapport de l’IGF conclut que Eric Woerth n’est pas intervenu dans le dossier fiscal de madame Betancourt », phrase traduite par les medias en « Eric Woerth blanchi ». Artifice, artifice… Certes, il aurait été plus grave qu’ Eric Woerth intervienne pour interdire à ses services de traiter ce dossier, mais cet homme n’est pas idiot et ne s’aventurerait pas à une telle intervention, aux risques de la voir racontée aussitôt dans le Canard Enchaîné. En revanche, ne pas intervenir, dans un dossier aussi important, équivaut à étouffer l’affaire. Je me souviens d’un ami inspecteur des impôts à qui je reprochais de harceler un boulanger pour prouver qu’il n’avait pas déclaré quelques milliers de francs de ventes de chaussons aux pommes, au lieu de s’attaquer aux vrais fraudeurs. Il avait souri :
« Les vrais, les grands fraudeurs ont des avocats tellement pointus que pour trouver la faille dans leur dossier, ça prend des mois, des années, alors qu’on nous demande du rendement. De plus, pour un dossier « sensible », pas question de se lancer sans l’aval de la hiérarchie, c’est trop risqué. » Dans un dossier aussi sensible que celui de Liliane Betancourt, l’une des premières contribuables françaises, l’aval ne pouvait venir que du plus haut. Faute de quoi aucun inspecteur des impôts ne se risquait à contrôler ladite dame. Ne pas intervenir, ici, loin de blanchir E. Woerth, équivaut à étouffer le dossier.
Pas une semaine sans que paraisse un papier sur les « polyamoureux », me voilà sacrée « papesse » par certains medias
. Dernier en date cette semaine, dans le supplément Paris Obs du Nouvel Observateur. On y lit cette phrase d’un psychanalyste, Michaël Stora : « Je ne le juge pas moralement, mais il me semble que le polyamour rompt dangereusement avec le sentiment d’exclusivité du couple. Bien sûr, cette exclusivité est une illusion, mais une illusion nécessaire ». Le polyamour rompt avec l’exclusivité du couple ? Evidemment, c’est même précisément sa définition ! Mais pourquoi dangereusement ? Où est le danger ? Dans le risque de rupture, de conflit ? Faut-il rappeler que la monogamie se termine dans un cas sur deux (Paris) ou trois (province) par un divorce, sans parler des violences conjugales et des crimes passionnels ? Le danger existe dès qu’on aime de façon irrationnelle, c’est-à-dire incapable de raisonner. En l’occurrence, n’est-il pas plus rationnel d’assumer la non-exclusivité dans le polyamour plutôt que de s’y accrocher dans la monogamie tout en sachant qu’elle est généralement une illusion ? (que les conjoints concrétisent ou non leurs tentations). Que signifie illusion nécessaire pour un psychanalyste, alors que devenir adulte, disent-ils en général, consiste à accepter la réalité ? Et « je ne le juge pas moralement » en accolant au polyamour l’adverbe « dangereusement » sans le justifier une seconde n’est-il pas un jugement ?
Dernière phrase artifice, toujours d’ Eric Woerth (désolée, c’est l’actualité qui veut cela) «Ça n'a pas été vendu une bouchée de pain, ça a été vendu à l'estimation des domaines».. Cette phrase artifice occulte le fait que le prix des Domaines est le prix minimum en dessous duquel il serait indécent de vendre, mais absolument pas la valeur marchande réelle du bien. Quant à la réaction du maire de Compiègne déclarant « l’Etat ne peut pas vendre au-dessus du prix fixé par les Domaines, car il est impensable qu’il spécule sur un bien classé », c’est carrément du foutage de gueule. Le spéculateur, c’est celui qui achète au prix des Domaines et bénéficie de surcroît des avantages fiscaux liés à la propriété de biens classés ou de monument historiques. L’Etat, lui, ne spécule pas, il brade. Après les autoroutes juste quand elles auraient été rentables, il brade les monuments historiques, alors que le tourisme est une des activités économiques majeures en France, et que brader les monuments, c’est privatiser cette activité. On ne s’en étonnera, cet Etat ne cesse de privatiser. Mais on peut déplorer que jamais les citoyens français n’aient été consultés sur cette politique de vente d’un patrimoine qui leur appartient. Politique impulsée par Eric Woerth alors ministre du budget, comme dit plus haut.
Tout ceci nous ferait presque oublier que les feux d’artifice du 14 juillet célèbrent la prise de la Bastille en 1789 et la Révolution Française, avant la nuit du 4 août qui abolissait les privilèges.