C'est l'histoire d'une fille aux alentours de la trentaine qui se demande ce qu'il reste à vivre d'intéressant quand on a, comme on dit, « tout pour être heureuse ». Autour d'elle, ses ami(e)s se marient, prennent un crédit, envisagent un bébé... Ce bonheur là ne la tente pas, tant elle trouve stupéfiant que des filles brillantes, drôles et dynamiques concentrent désormais leurs conversations sur le caca du nouveau-né ou les traites à payer.
L'engagement politique ? Elle a déjà donné quand elle était étudiante, et constaté combien le pouvoir corrompt : « Ils avaient des idées mais pas le pouvoir de les réaliser, ils ont le pouvoir mais plus envie de réaliser leurs idées. »
Alors elle regarde le monde avec une lucidité que lui a donné un drame précoce, la mort de son père dans un accident de voiture : Dans son esprit d’enfant, autrefois, n’existaient que ses parents, entité chaude et rassurante sans failles ni défaillances, entièrement vouée à sa protection. Cet univers sûr s’était écroulé un jour d’août brûlant. Depuis, Marine savait la fragilité du bonheur et l’imprudence qu’il y a à trop compter sur lui. »
Dans son exploration du monde, elle rencontre deux émigrés de l'Est rêvant de leur pays comme d'un paradis perdu, une vieille dame fantasque, un italo-grec séduisant, un amant de sa mère devenu un ami fidèle, une copine d'enfance en plein chagrin d'amour, et surtout Antoine, qui, comme elle, cherche à transformer la réalité pour qu'elle colle à ses rêves.
C'est l'amour fou, d'autant plus fou qu'il semble s'arrêter aux portes du désir. Si ce n'est que Marine veut bien « Jouer au monde » avec cet homme, mais pas s'y perdre.
C'est l'histoire d'une fille qui découvre combien il est important d'être acteur de sa propre vie quand autour de soi le monde semble en pleine décomposition. Et pas du tout « un livre pour stimuler la sexualité des couples » comme je l'ai entendu dire à la radio par une journaliste qui ne l'a visiblement pas lu...
Pour l'écrire, j'avais pris plusieurs mois de congé sans solde, au terme desquels, déjeunant avec un médecin collaborateur de ma rubrique, celui-ci m'avait rappelé, inquiet : « Hier, vous m'avez fait peur, vous sembliez dans un autre monde. » J'avais effectivement du mal à réintégrer la réalité déplaisante de cette époque, tout comme je me suis sentie assommée dimanche soir en regardant ce monde de fous qui perdure. Mais en grande partie grâce à ce livre, j'ai heureusement appris à « Jouer au monde », à l'amour, à l'humour, à l'amitié, à la lucidité. Et je regrette infiniment que ce roman, qui arrive en fin de vie- l'édition est un produit de plus en plus rapidement périssable- n'ait pas comme ont dit « trouvé son public ».
Forcément, si les gens ont cru qu'il s'agissait encore d'un manuel érotique ils ont dû être déçus !