Pour les lectrices désolées que la fin de « Jouer au monde » semble l'épilogue d'une histoire d'amour achevée pile au moment où elle semble enfin commencer, pour les lecteurs surpris que Marine, amoureuse d'Antoine, aime aussi Grigoritos (qui aime lui aussi Antoine) j'ai imaginé une petite suite, fortement inspirée par le cadeau d'anniversaire d'un ami.
« Le petit paquet était adossé à la paroi de la boîte à lettres, mince parallélépipède que Marine saisit entre ses doigts pour essayer d'en deviner le contenu. Elle remonta dans son studio et se précipita vers la fenêtre pour y voir plus clair. En ce début mars, la lumière commençait à se faire printanière mais elle avait encore du mal à percer la grisaille.
C'était un paquet de format livre de poche, ou DVD peut-être. Plusieurs fois enveloppé dans un papier décoré et plié juste comme il le fallait pour qu'apparaisse sur le dessus le dessin d'un couple sensuellement enlacé. L'adresse de Marine calligraphiée à l'encre verte- de la vraie encre de stylo à plume- semblait faire partie de l'illustration. Le tout était scotché sur le dessus, sur les côtés et dans les angles avec le soin maniaque de qui veut que son présent ne se dévoile pas d'emblée, fasse attendre le destinataire, titille son désir.
Marine tira sur le scotch, qui résista. Elle faillit prendre une paire de ciseaux puis se ravisa, de peur de couper les pages du livre- oui, ce devait être un livre- et abîmer l'image de l'homme et de la femme. Elle y arriverait avec ses mains, ses ongles. Voyant ses doigts fébriles s'escrimer sur le ruban adhésif, elle ne put s'empêcher de penser à des doigts fébriles essayant de déboucler la ceinture d'un homme et d'ouvrir son pantalon... Lorsqu'elle y mit les dents, déchirant d'une incisive aiguë un fragment de cellophane qu'elle tira tout du long, elle eut l'impression de tirer sur une fermeture éclair, comme il lui était arrivé d'ouvrir une ceinture récalcitrante avec la bouche.
Le paquet céda d'un seul coup : ce n'était ni un livre ni un DVD érotique, juste une tablette de chocolat noir au parfum fauve dans laquelle elle mordit sans hésiter, la bouche humide d'excitation avec le plaisir orgasmique de sentir couler le chocolat mêlé de salive au fond de sa gorge.
Grigoritos, allongé nu sur le lit, sourit en l'observant :
« C'est Antoine ?
-Oui, c'est lui. »
Le gréco-romain se leva et vint se poser tout contre Marine. Il saisit l'emballage du paquet, le retourna. Nulle adresse d'expéditeur n'y figurait. Il sourit :
-Il a l'air en pleine forme.
Il enlaça Marine, lui souffla à l'oreille :
- Ça te dit qu'on invente un « jouer au monde ? » Pour nous trois ?