… parce que d'abord, si nous ne payons pas, les bailleurs de fonds n'en mourront pas, soyons en sûrs. Mais si nous payons, c'est nous qui allons mourir, soyons-en sûrs également. » Cette phrase d'une brûlante actualité a été prononcée dans les années 1980 par Thomas Sankara, qui dirigeait alors le Burkina-Faso, ex-République Centre-Africaine. J'ai déjà eu l'occasion de parler de cet homme qui avait choisi le nom du pays Burkina-Faso qui signifie « le pays des hommes intègres » et imposait à son peuple une rigueur et une honnêteté peu courantes en politique. Les Burkinabé lui devaient l'éducation et le logement gratuits, des centres de santé, et une amélioration considérable du statut de la femme. Sans oublier la culture, avec un rayonnement international, comme le Festival Panafricain de cinéma et de télévision à Ougadougou, et à Bobo-Dioulasso, des rassemblements de musiciens venus du monde entier étudier les percussions africaines. Il a été assassiné il y a presque 35 ans, le 15 octobre 1987. Relisez le billet que j'ai écrit en 2007, il prouve au moins que j'ai de la constance dans les idées... et qu'en 5 ans, hélas, rien ne s'est arrangé par rapport à ce que j'écrivais alors. La conclusion est quasi la même que celle de ce billet.
L'Afrique ne se résume pas à un éternel débat sur les bienfaits ou les méfaits de la colonisation, ou à des reportages misérabilistes sur les famines, les conflits ethniques ou la corruption des dirigeants. Tout ceci existe, bien sûr, comme ailleurs dans le monde. En revanche, ce qui est rarement mis en valeur est le dynamisme de ce continent dont beaucoup de pays connaissent de forts taux de croissance malgré le pillage de leurs ressources naturelles par certaines multinationales la joie de vivre des populations qui frappe tellement les touristes, étonnés qu'on puisse avoir l'air heureux en possédant si peu, et un art de trouver une utilité à tout objet, même périmé, même abîmé et de faire bruyamment la fête à la moindre occasion.
Pour découvrir cette Afrique qui bouge, cette Afrique moderne et positive, précipitez-vous sur le parvis de l'Hôtel de Ville à Paris où se tient jusqu'au 16 septembre seulement, quel dommage ! une exposition de panneaux passionnants sur ce que devient l'Afrique depuis les indépendances de ses pays (avec quelques références à la période coloniale pour expliquer le cheminement). C'est tonique, surprenant et positif dans une France qui ne cesse de se lamenter et de croire que la fin du monde est arrivée alors que c'est juste la fin d'un monde, pas forcément si idyllique, qui se profile. Après l'Occident, l'Asie conquiert aujourd'hui la planète, mais comme le prévoit Jean d'Ormesson- oui, le ravi de la vie dont l'humour et la culture non bling-bling font qu'on lui pardonne presque d'être de droite- Jean d'Ormesson, donc, prévoit qu'en 2050, l'Afrique sera à son tour le continent où il faudra être, « the place to be » comme disent les snobs.
Allez-y, ça stimule le moral. Moi, ça m'a émue de retrouver dans certains panneaux des bribes d'enfance et de jeunesse: Gabon, Sénégal, Niger, Burkina-Faso, Côte d'ivoire, Bénin... tous ces pays parlent en moi, je connais encore par cœur le « tcha-tcha de l'indépendance » qui se chantait en 1961 et j'ai encore en mémoire les mots de mon père, bouleversé par l'assassinat de Patrice Lumumba, charismatique leader politique au Congo : « Pour une fois qu'ils avaient un type bien, capable de faire passer le pays de la colonisation à la démocratie, ils l'ont tué, quel gâchis ! » « Ils », on l'a su des années plus tard, c'était les dirigeants Belges de l'époque, soutenus par la CIA qui craignait que le Congo ex-Belge devînt communiste. Toujours la même obsession. Cette obsession qui a abouti au Congo-Kinshasa puis à la République Démocratique du Congo, aujourd'hui l'un des pays les plus dangereux au monde, et qui a poussé tant d'autres dans les bras de l'intégrisme religieux.