"Faire d'un rêve une réalité": Humeur, humour, coups de gueule et coups de soleil.
En 1975, un jeune homme à l’époque « beau comme un Dieu » me parla longuement du Brésil et m’expliqua ce qu’est la saudade, sans que j’imagine une seule seconde que 20 ans plus tard ses mots me reviendraient en écrivant « Jouer au monde »
A un autre, en 1977, je fis découvrir « la saveur de l’oursin » ( Autres désirs, autres hommes) sur une plage où il errait, abandonné la veille par son épouse. 15 ans de mariage sans jamais dîner en tête-à-tête avec une autre femme qu’elle, répétait-il, désespéré. –Peut-être est-ce pour cela qu’elle vous a quitté…
Je me souviens d’un chercheur, qui me passionna en 1997 en m’expliquant le rôle des mitochondries dans les cellules et me fit caresser du bout du doigt une éponge « rouge et douce comme un clitoris » (dixit ce scientifique ») dans une grotte sous-marine.
D’un autre avec qui je dégustai en 1998 un somptueux coucher de soleil et un verre de liqueur de myrte Corse au pied du phare des Lavezzi, tandis qu’il m’expliquait la vie des Caulerpa taxifolia naturelles et mutées.
Je me souviens de cet allemand, cheveux au carré, regard rieur, que nous rencontrâmes en 2008, ma fille et moi, dans un pub improbable au cœur du bush australien. Il parcourait à vélo ce désert ô combien hostile, avec une petite tente Quechua et un sourire désarmant qui contrastait avec les autres buveurs aux mains calleuses et aux bières multiples, plutôt « rough » mais très intéressants aussi.
Une grecque aux cheveux bouclés de jeune pâtre m’invita en 1996 à une soirée à laquelle je ne pus malheureusement me rendre. Le trouble qu’elle m’inspira avec son regard transperçant me révéla que mes désirs n’étaient pas si univoques que je le croyais et orienta mes réflexions sur le genre…
Voyage de presse en 1977, la Grèce encore. Nous avions pour mission de tester des voiliers en flotille, voyage si heureux qu’il fût le seul où je vis des journalistes pleurer en se quittant, au cours d’une ultime soirée où je saisis au vol le baiser d’un nommé Grigoritos tandis que ma jupe remontait le long de mes jambes, soufflée par un malicieux meltem.
En 1991, un homme me fit battre le cœur en me disant quasi textuellement une réplique du film « la Prisonnière » (avec Laurent Terzieff, que j’aime tant), film dont il n’avait pourtant jamais entendu parler.
Un autre, sur la plage d’Etretat, enroula autour de mon cou une algue brune en 1978, scène de « la Prisonnière » là encore. Ces synchronicités m’inspirèrent des années plus tard la nouvelle « Elsa fait son cinéma » (Des désirs et des hommes) et la falaise d’Etretat où réveillonnent Antoine et Marine dans « Jouer au monde ».
Choc de découvrir en 2004 une salle de bains quasiment identique à celle que j’avais décrite en 1993 dans la première version de « Jouer au monde », dont le propriétaire, comme l’Antoine du roman, savait retoucher des diapositives au pinceau !
Un dîner en 2002 dans un parador clandestin de Santiago de Cuba, m’a inspiré le chapitre « Cuba Libre » (« les Latitudes amoureuses ») bien que je n’ai jamais eu d’amant Cubain, ce qui, d’après les amies qui y ont goûté, est une grave lacune. Y remédierai-je un jour ? Je ne sais pas, et tant mieux. Ce qui me plaît n’est pas de programmer des rencontres, mais de les laisser venir et de m’imprégner comme une éponge des émotions qu’elles peuvent susciter. Plus qu’une question d’hommes et d’amours, il s’agit d’une attitude face à la vie. Rester disponible au monde, « open mind » sur les gens, les sensations et les situations qui font vivre plusieurs existences en une, sans les hiérarchiser ni en négliger aucune. Où le sexe ne constitue ni une barrière interdite, ni l’élément essentiel. Où les hommes et leur univers se révèlent presque toujours passionnants.
Autant dire que le film « les Infidèles » sur lequel j’ai été interviewée ce matin pour France 2 m’a semblé dater. (diffusion jeudi 8 mars vers 22h, émission « Avant-première, une minute environ sur 30’ d’ITV, donc je développe ici). Les hommes y sont des « queutards » paillards et menteurs, terrifiés à l’idée de perdre leur confort conjugal et un peu paumés parfois. Les maîtresses sont des Bimbo ou Lolitas qui les font fantasmer. Les épouses sont trompées, furieuses ou malheureuses. Le seul sketch réalisé par une femme montre le couple Dujardin/ Lamy dans un essai d’aveu de l’infidélité, qui serait forcément plus douloureux que le mensonge…
Bref, loin d’un film « audacieux, moderne et libre » comme le présentent ses auteurs, on est dans l’adultère bourgeois tel qu’éternellement il fut montré, au mépris de l’évolution des mœurs qui montre de plus en plus d’hommes avides de relations amoureuses et pas seulement sexuelles, de plus en plus de femmes désireuses qu’on ne leur mente pas et ouvertes à des rencontres épanouissantes.
L’atout du film, ce sont les acteurs, tous bons et parfois assez drôles. Les scènes de sexe n’ont rien de choquant, étant admis que tout adulte ayant fait un jour l’amour sait à peu près comment ça se passe et ne sera pas étonné. C’est un film de potes et ça se voit, ils ont dû bien s’amuser à le jouer et à le réaliser, mais j’avoue que les films de potes me gonflent un peu. Comme « les petits mouchoirs » de Guillaume Canet, ça raconte leur vie de bo-bos certes hypersympas et beaux gosses, mais qui ne concerne qu’eux…
Quand on a si bien joué dans « Le bruit des glaçons » ou « The Artist » pour Jean Dujardin, ou « Ne le dis çà personne » et « A bout portant » pour Gilles Lellouche, on devrait éviter « les Infidèles ». » Pour l’audace et la liberté de ton, mieux vaut revoir « les Valseuses » « Shortbus » ou «La loi du désir »
photo de Lars Stephan, http://www.larsstephan.com on ne s'en lasse pas!