Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 avril 2014 1 28 /04 /avril /2014 20:31

Le baby-boomer  dont je vous ai parlé ICI, a beaucoup d'amis de jeunesse, copains d'une adolescence heureuse, compagnons de militantisme, partenaires d'expéditions improbables en Inde et en deux-chevaux via l'Iran et l’Afghanistan quand il était aisé de traverser ces pays. Il les revoit en 2014, ils se donnent des nouvelles de leurs enfants devenus adultes et pas mal réussis pour la plupart, des petits-enfants qui les rendent gâteux, ça ils ne l'auraient jamais cru tant à 20 ans ils redoutaient de sombrer dans la routine familiale. Puis les voici qui concluent la conversation par : « Je te quitte, je vais voir mon père (ma mère). »

Leurs vieux ont 85 ans, parfois un peu moins ou beaucoup plus. Pendant des années, les baby-boomers les ont peu fréquentés, ils fuyaient ces « croulants » confits dans des valeurs qu’eux-mêmes avaient balancé joyeusement à 20 ans. Leur crise d'adolescence a duré parfois jusqu'à près de 40 ans...

Aujourd'hui, le baby-boomer se tient au chevet de ses parents fatigués et pend conscience qu'après eux, il sera en première ligne face à la mort qui le laisse, comme tout le monde, incrédule : « Je sais que je vais mourir mais je n'y crois pas. Comme vous, comme tout le monde. » avait dit François Mitterrand à un journaliste.

Le baby-boomer réalise aussi qu'en le quittant, ses parents emporteront avec eux les souvenirs de l'ancien monde. Leur génération a fait la dernière (espérons-le) guerre mondiale, et a été la dernière à perpétuer les valeurs anciennes. Passée l'inévitable crise d'adolescence, plus quelques années de jeunesse à « jeter sa gourme », les parents nés dans les années 20 à 30 reproduisaient peu ou prou le schéma de vie de leurs aînés : mariage, emploi stable, trois enfants ou plus. Ces trois enfants, nés après 1945, sont de la première génération à ne pas revenir dans le giron traditionnel.

Ils ont fait leur coming-out, ont bénéficié de la pilule, ont découvert la planète en prenant l'avion comme leurs parents prenaient leur vélo, ont vu alunir des hommes, ont connu le téléphone fixe, le be-bop, le mobile à touches, le tactile... Ils n'envoient plus guère de lettres mais reçoivent quotidiennement des centaines de messages électroniques, ils ont oublié l'odeur de pommes et d'encaustique qui embaumait les cages d'escalier des immeubles anciens. Ils se souviennent de mots comme « chandail » « percale » « cache-nez » « bastringue » mais ne les emploient plus.

 

41SYbO8dYYL. AA160Voilà à quoi j'ai pensé en refermant le livre d'Alex Taylor, « Quand as-tu vu ton père pour la dernière fois » ? Alex a passé plusieurs mois auprès de son père malade, jusqu'à sa fin. Ce livre raconte cette année particulière que vivent néanmoins de nombreux baby-boomers lorsque leurs parents se font vieux, ou très vieux. J'ai plusieurs fois rencontré ce sémillant journaliste international, qui vit depuis longtemps son homosexualité avec finesse et intensité et adore la linguistique. Un européen convaincu, un amateur de bonne chère, un homme aux manières délicieusement British bien qu'il vive depuis plus de 30 ans en France. Du coup, je redoutais que son livre ne soit qu'un récit, sans doute émouvant, voire poignant, de la fin d'un être aimé. Or il est bien davantage, et n'est pas du tout triste... Sans peut-être en avoir conscience, Alex Taylor révèle la force de ses racines. Il est bien plus britannique qu'on ne l'imagine, tout imprégné des odeurs de son pays natal, des paysages de son enfance et des méthodes éducatives qui diffèrent sensiblement d'un côté ou de l'autre du Channel. En allant voir son père, il retrouve son pays et réalise à la fois combien il y est attaché, et combien il n'aura plus rien à y faire lorsque son père sera mort. Déraciné par choix à 20 ans, il l'est davantage encore en devenant orphelin, et là est la force de son livre : nous faire ressentir qu'au-delà de leur absence, les parents emportent avec eux un monde disparu ( qui nous racontera la guerre 39/45 vue par leurs yeux d'adolescents ?) et une part de notre enfance, faisant de nous des déracinés : ne dit-on pas qu'on est toujours du pays de son enfance ?

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

J
<br /> @ Claire: selon les démographes- qui considèrent que le baby-boom va de 1946 à 1956, voire 1958, j'en fais partie, mais je crois que les babies d'après 1950, comme moi, sont différents de ceux<br /> nés en 46 où les séquelles de la guerre étaient encore très présentes. Ils étaient jeunes adultes en 68, j'étais ado et ai bénéficié largement du desserrement de la mentalité cathogaulliste.<br /> Enfin, mon enfance en afrique et inde jusqu'à mes 12 ans a sûrement joué sur ma vision du monde, notamment des amours, en me montrant d'autres façons de vivre :)<br />
Répondre
C
<br /> Mais au fait, tu t'inclus dans le lot alors ? :)<br />
Répondre
J
<br /> @ Andiamo: tu es un peux plus âgé (dans l'état-civil, pas dans le coeur) que les baby-boomers, donc tu n'as pas eu cette rupture entre les valeurs d'avant, et celles d'après, qui fait que le<br /> monde d'aujourd'hui est si radicalement différent de celui, simplement, de nos parents. Alors le temps a passé pour toi comme pour les post 1946, mais sans cette ligne de démarcation.<br /> <br /> <br /> @ Claire: je te dirais la même chose qu'à Andiamo, dans l'autre sens. Certes, il n'y a pas d'âge pour avoir conscience qu'un monde disparaît, mais toi-même l'a fait avec tes grands parents, pas<br /> tes parents, car tes parents appartiennent déjà au "monde d'après". Les baby-boomers ont eu ces caractéristiques dont je parle dans le premier billet: être une génération très nombreuse, avoir<br /> été la première où "les jeunes" devenaient une population courtisée et décideuse, s'être cru toujours jeunes et réaliser quasiment seulement maintenant que le temps a passé. Cette génération qui<br /> à 20 ans n'avaient pas connu la mortalité infantile ou presque, pas de grande guerre, presque pas de chômage, est restée très longtemps adolescente, ce qui la rend à la fois attachante... et<br /> insupportable. Adoleschiante...<br />
Répondre
C
<br /> "nous faire ressentir qu'au-delà de leur absence, les parents emportent avec eux<br /> un monde disparu" : oui, les parents, les grands-parents...<br /> <br /> <br /> Quand ma grand-mère paternelle est décédée, j'avais 13 ans et demi. Quelques<br /> semaines ou mois plus tard, j'ai demandé à mon grand-père ce qu'il avait fait pendant la guerre de 39-45. Comme prise d'une urgence de capter un peu, un tout petit peu, de ce que tu appelles "un<br /> monde disparu".<br /> <br /> <br /> Pas besoin d'être ni un baby-boomer, ni un adulte pour prendre conscience de ce<br /> genre de choses...<br /> <br /> <br /> Ca me rappelle cette citation d'Amadou Hampâté Bâ :<br /> <br /> <br /> "En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui<br /> brûle."<br /> <br /> <br /> Je ne suis pas certaine qu'elle ne soit vraie qu'en Afrique.<br />
Répondre
A
<br /> Ce monde que j'ai connu cette insouciance, et pourtant il ne restait plus grand'chose après l'occupation, même pas à bouffer. J'ai raconté ma jeunesse d'après guerre dans ces banlieues populaires<br /> mais pas racaille, ces banlieues qui n'étaient comme j'aime à le dire : "plus la campagne, mais pas encore des villes"<br /> <br /> <br /> C'est vrai que nous avons appris les valeurs d'autrefois, en commençant par le respect des instituteurs, à l'heure ou il n'y avait pas encore cette saloperie d'association de "parents<br /> d'élèves"  !<br /> <br /> <br /> Et puis l'âge venant nous devenons les parents de nos propres parents.<br />
Répondre

PrÉSentation

  • : JOUER AU MONDE
  • : "Faire d'un rêve une réalité": Humeur, humour, coups de gueule et coups de soleil.
  • Contact

AUTRES MONDES

Depuis le 31/12/2013, le site Autres Mondes n'est plus actif, mais vous pouvez toujours aller y voir   la superbe vidéo d'Himlico

et la non moins superbe vidéo sur "Aimer plusieurs hommes",  toutes deux réalisées par Douze Films Prod (www.douzefilms.fr) 

Pour être informé de la disponibilité de "Aimer plusieurs hommes"et de "Himlico et autres contes", contacter: simpere.autresmondes@gmail.com 

  "Autres désirs, autres hommes" étant épuisé en version papier, il a été réédité en ebooks regroupant les nouvelles par thèmes: Que vous aimiez le sexe entre amis (sex-potes), les aventures insolites (Belles rencontres) la transgression (Jeux et fantasmes) vous y trouverez votre compte.  En vente chez IS éditions   et sur la plupart des plate-formes de livres numériques, plus FNAC, Amazon, etc. Sexe-potes.jpg

 
 

 

 


 

Recherche

FAN-CLUB

Françoise Simpère (nouvelles de)

ma vie, mon oeuvre, mais surtout mon oeuvre

LIVRES QUE J'AIME

                                                                                                 lien-guide.jpg  

                                          
                                                                    des questions, des réponses, l'ouverture des possibles

L’érotisme est au coin de la rue

Le livre du grand Tout


Un livre indispensable
voyages torrides et beaux paysages
une belle histoire de peau et de coeur
documenté, ça énerve parfois, ça fait aussi du bien
à découvrir ou redécouvrir pour la finesse de l'analyse et de l'écriture