Je l'avais vu dans un reportage, sur LCP je crois. Il devait participer à une émission télévisée et était arrivé dans son Q.G fatigué, vidé. Son assistante lui avait proposé un café, il avait décliné l'offre: "Non, si je prends un café, ça va m'énerver et je risque de dire des bêtises. Je vais plutôt dormir une demi-heure, j'en ai besoin."
Je l'avais vu lors d'un meeting sur le Droit au Logement répondre à un militant qui lui reprochait d'être un "bourgeois bien logé" (par parenthèses, quelle insupportable réthorique, celle qui voudrait qu'on ne saurait être "de gauche" sans être pauvre, surtout si l'on regarde le vote réel des pauvres... quand ils votent) Il avait répondu: "C'est vrai, je suis bien logé, il y a du chauffage chez moi (on était en hiver). Mais justement, je ne peux pas me sentir heureux quand je rentre dans un appartement confortable si dehors, il y a des gens qui dorment dans le froid." On peut dire que c'est une motivation individualiste, sensible, mais elle ne l'a jamais empêchée, au contraire, de développer des analyses globales, historiques et politiques.
Aujourd'hui, les jurnaux titrent avec délectation sur la fatigue,voire le renoncement à la politique de Jean-Luc Mélenchon. Lui a simplement précidé qu'il avait besoin de prendre du recul et de dormir. D'arrêter, en somme, d'être le nez dans le guidon.
Dussé-je en choquer beaucoup qui n'ont à l'esprit que ses emportements complaisamment provoqués et filmés par les médias, je trouve admirable cet homme politique capable de prendre du recul avec la drogue quotidienne qu'est l'approche du pouvoir et la griserie médiatique. Tout comme, dans un tout autre genre, j'ai apprécié qu'un Xavier Dolan (le cinéaste Québécois "prodige") adulé, primé à Cannes et en pleine ascension, déclare avoir besoin de prendre un an sabbatique pour faire des études et avoir le temps d'aimer les gens qu'il aime. C'est tellement rarissime d'avoir envie de réfléchir avant d'agir.
C'était le slogan de l'An 01: "On arrête tout, on réfléchit, et c'est pas triste".
Jean-Luc Mélenchon fait à voix haute le constat que les gens de gauche- je dis bien de gauche- font avec tristesse: la droite, comme le constatait le milliardaire Warren Buffet, a gagné la guerre idéologique. (aujourd'hui, l'extrême-droite aussi gagne du terrain) au point qu'il devient impossible d'espérer changer l'Ordre Economique Mondial par la voie démocratique, le pouvoir des 10% qui possèdent 90 (ou 99?)% de la richesse du monde s'y opposerait immédiatement. Ne reste qu'une alternative: faire un pas de côté et vivre "autrement" à partir d'initiatives locales, sociales et solidaires en espérant qu'elles feront tache d'huile et dessineront un monde plus juste. Ou préparer une révolution qui ne pourrait être que violente face aux forces en jeu en face.
Le premier terme de l'alternative existe déjà, et je me réjouis de constater ici et là la multiplication des comités solidaires, logements partagés, agriculture paysanne, polyamoureux, énergies écologiques, libertaires, anarchistes, féministes... tout en sachant que ces initiatives restent si marginales face au bloc de la pensée libérale que je n'en verrai pas le résultat global de mon vivant.
Reste l'hypothèse violente, qui a fonctionné en 1789, mais au prix de combien de vies, et pour quel résultat 225 ans plus tard? Cela mérite largement un temps de réflexion au calme, de vacances au sens de "faire le vide" pour mieux le remplir d'une pensée claire et non polluée par l'agitation et la propagande.
Alors bonne vacance Jean-Luc, et bonnes vacances à tous!