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22 mars 2012 4 22 /03 /mars /2012 11:55

Port-Gentil-1952.jpgComme dit souvent mon petit frère (excuse, JM, jusqu’à la fin des temps tu seras mon petit frère de 1m85) nous sommes de purs produits de la colonisation, et heureux d’exister. Or il est vrai que si Saigon et Pondichéry n’avaient pas été des colonies, jamais le métèque indo vietnamien qu’était notre père n’aurait été envoyé en France faire ses études, et jamais, donc, il n’aurait rencontré en France une adolescente Vichyssoise qui n’avait pratiquement jamais franchi de frontières avant de le connaître. Donc, ça n’a pas eu que du mauvais, la colonisation, d’autant plus qu’être sang-mêlé et vivre sur des continents très différents montre la relativité de chaque culture : « Vérité en deça des Pyrénées, erreur au-delà ».

benin03janvier06.JPGEnfants, ne nous effleurait pas une seule seconde l’idée que nous étions supérieurs parce que nous étions blancs, en témoigne cette réflexion d’un petit garçon de l’école de Ziguinchor (Sénégal) : « Maman, je me suis fait un nouveau copain ! –Un blanc ou un noir ? –Euh… j’ai pas regardé. » Ce n’est pas qu’on ne voyait pas la couleur de la peau, évidemment, c’est qu’elle nous importait peu. En 12ème (CP), il y avait dans ma classe une trentaine d’africaines pour deux blanches, et encore j’étais un peu jaune. On jouait toutes ensemble sans se poser la moindre question, et si j’avais remarqué que j’étais parfois « la chouchoute », je pensais que mon jeune âge en était la raison- j’avais 5 ans et demi, certaines dans la classe avaient 14 ans et étaient déjà mères- et pas du tout ma couleur de peau. En revanche, j’en suis encore choquée, je ne supportais pas de voir les « bonnes soeurs» attraper par les cheveux deux élèves qui chahutaient et cogner leurs crânes l’un contre l’autre en disant : « Ca donne creux là-dedans, y a pas de cervelle », ou frapper une élève parce qu’elle avait enlevé ses chaussures en récré, vu qu’elle courait beaucoup plus aisément pieds-nus. J’avais été horrifiée de cette punition, et tendais la main comme les autres pour recevoir un coup de bâton en cas de punition collective.

Je me souviens de mes équipées avec mon frère aîné dans les cases où les mères africaines cuisinaient des sauces écarlates qu’elles nous faisaient goûter, des dîners où mon père invitait son greffier africain et était pour cela regardé bizarrement par certains colons racistes qui pensaient plus malin de ne pas se mélanger. Je me souviens de notre boy, André, à qui j’avais décidé d’apprendre à lire, car lorsque je lui envoyais des mots pour qu’il ne dise pas à maman que j’avais fait une bêtise, il les lui portait illico, ne sachant pas les déchiffrer. Je me souviens de ses pleurs quand nous sommes repartis en France, et de nos pleurs car nous avions envie qu’il vienne avec nous. Je me souviens de maman expliquant à un quémandeur de nourriture une nuit de ramadan qu’elle n’avait que du jambon et ne pouvait le lui donner parce que c’était du porc. « Non, c’est du veau » affirma le quémandeur affamé. –C’est du porc. – Non, c’est du veau ! » Devant cette insistance, maman lui avait donné une tranche de jambon en pensant qu’il n’y a que la foi qui sauve et que ventre affamé n’a pas d’oreilles.

bernard et abdoulayeBref, c’était simple de vivre ensemble, et pourtant nous n’étions pas « politiquement correct » avec la peur permanente de commettre un impair. Le « politiquement correct » qui aboutit à dire « personne à mobilité réduite » pour handicapés moteurs, « minorités visibles » pour peaux noires ou basanées, « non-comprenants » pour cons est une horreur. On n’est pas raciste quand on est capable de se moquer d’autrui quelle que soit la couleur de sa peau, tout simplement parce que se moquer, c’est le considérer comme un égal. Ne pas oser rire avec lui, c’est se sentir coupable d’un racisme qui n’ose se dire…

Quand ma mère s’exclamait dans un village d’Afrique non éclairé « il fait noir comme dans le derrière d’un nègre », tous les noirs alentours éclataient de rire. Eux-mêmes ne manquaient jamais de nous dire : « Nous, les noirs, on sent l’homme, vous les blancs vous sentez le cadavre ». Au lieu de se dissimuler derrière un racisme honteux niant les différences physiques,  nous en faisions un sujet de plaisanterie. Un chef de village s’était gentiment moqué de maman, qui dégraissait les morceaux du méchoui avant de les manger : « Ah vous, les blancs, vous avez peur du gras ! »

Face au débat actuel des gens qui se demandent si les races existent ou non, je reste bouche bée, car se poser cette question sous-entend que si races il y a , elles hiérarchisent les humains et que face à ce danger, il faut nier la notion de races. Un peu comme les féministes qui nient toute différence biologique et hormonale entre hommes et femmes au nom de l’égalité. Eh bien non ! Egalité, oui, identité, non ! Le terme d’identité nationale a vraiment des relents nauséabonds. Arrêtons de parler de « communauté juive », « communauté maghrébine » « communauté asiatique », arrêtons de définir les gens par leur origine ou leur religion, arrêtons de nier que nous sommes différents et battons-nous pour faire reconnaître que ces différences nous enrichissent et que nous sommes tous EGAUX.


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commentaires

S
<br /> Je vois un défaut technique évident à poser un "tabu" sur le mot "race", c'est qu'une personne charmante et ouverte d'esprit comme Françoise pourra se voir condamner pour l'avoir employé. Le<br /> raciste devient "celui qui emploie le mot race" ! C'est plus simple à identifier ! Il est autrement plus difficile de prouver que Zemmour (puisque Miller en parle) est raciste. Zemmour est une<br /> espèce d'obsédé de la culture bourgeoise française classique. Il déteste le rap et toute la world music en général et tout ce qui ressemble à de l'influence étrangère. Mais je suis certain qu'il<br /> traite d'égal à égal avec quiconque joue le jeu de l'intégration, a acquis une culture gauloise, quelle que soit la couleur de sa peau.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> L'urgence, c'est évidemment de prendre des mesures concrètement anti-racistes, passer des documentaires édifiants en prime-time à la télé, diminuer la ghettoïsation, l'isolement culturel des<br /> quartiers, y injecter des moyens. Le racisme, ce n'est souvent que la méconnaissance de l'autre, le refus a priori de le rencontrer.<br />
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M
<br /> Qu'il est dangereux de convoquer la biologie et la génétique à de tel débat. Non pas qu'on risuqe de trouver des races chez les humains, ce débat est définitvement clos, et il n'y a derace <br /> que humaine. De toutes façons, les raciste trouveront tous les sophismes et autres artfices pour justifier tout et n'importe quoi - pour illustration , repenser à l'expérience qui reproduisait un<br /> mini trou-noir en labo et toutes les conneries lues et entendues à ce sujet à ce moment là.<br /> <br /> <br /> Deplus, nous en sommes qu aux balbutiements de la génétiques. Le professeur de médecine marseillais qui est à l'origine de la découverte des mégalovirus travaile justement sur la génétique et les<br /> rapports entre bactéries, virus et nos cellules. Jusqu'à maintenant nous pensions que ces êtres étaient séparés, distincts ... on s'apreçoit que cette définition de type frontière dounière semble<br /> plus qu'erronée, fausse. Ces discours biologico-phylosophiques me permettent de vivre une époque où je n'étais pas né : l'époque où laphysique a découvert que Newton, c'était pas cela, l'époque<br /> où l'on a démontré qu'un grain de matière pouvait passer par deux portes en même temps (dualité onde-corpuscule) ... Voilà plus de 100 ans cela et nos contemporain ont toujours uen vision<br /> mécaniste du monde et non relativiste ; de même avec les avancées en comportement et intelligence des animaux, on reconniat maintenant que les animaux ont de la culture dans le sens le plus<br /> humain du terme.<br /> <br /> <br /> La science est surtout un questionnement, la vie humaine ne dépend pas de la science, mais de choix responsables à assumer. Dans ce domaine du champ social, la science est ce qu'est l'outil à<br /> l'Art. Ce que je crains, c'est qu on avance une idée vraie avec une argumentation fragile, quand l'argumentation tombe quid du postulat ?<br /> <br /> <br /> Les discours racistes portent en eux-mêmes leurs non-sens, leurs contradictions. Ils sont auto-immunisant, juste ouvrir les yeux.<br /> <br /> <br /> Et viventles écailles de martiens !<br />
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M
<br /> Bien sûr j'avais compris, s'il y a une personne au monde à qui ça n'irait pas du tout d'être raciste ou intolérante, c'est bien vous! :-)<br /> <br /> <br /> Je dis juste que, en ce qui me concerne, j'approuve le projet de supprimer le mot "race" des documents officiels, car c'est un mot trop ambigu, trop chargé de sous-entendus et sans véritable<br /> signification scientifique. C'est le discours de l'extrême-droite, d'Eric Zemmour, de dire: "mais enfin vous voyez bien que les races existent: il y a les Blancs, les Noirs, etc. Un peu de bon<br /> sens!" Comme ils auraient dit il y a quelques siècles: "mais enfin vous voyez bien que le Soleil tourne autour de la Terre, vous n'avez qu'à regarder le ciel: le matin le Soleil se lève et le<br /> soir il se couche!" Oui, sauf que les conclusions sont fausses...<br /> <br /> <br /> Si c'est être "politiquement correct" que de défendre ce point de vue, alors va, je veux bien être politiquement correct!<br />
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F
<br /> à Miller: je vois ce que vous voulez dire. Il y a un chromosome de différence entre homme et femme, et c'est énorme. Aucun mâle humain, quelle que soit sa couleur, aucune femelle humaine, quelle<br /> que soit sa couleur n'a autant de différence avec une personne de même sexe que lui (ou elle). Si la race se définit par une différence de chromosome, il n'y a effectivement pas de races. (mais<br /> va--t-on dire que les trisomiques, qui ont un chromosome en plus, sont d'une autre race?) En revanche, il existe dans l'ADN des fragments codants qui permettent de déterminer l'origine ethnique<br /> et/ou la couleur de peau de l'individu. Ces différences génétiques suffisent-elles à parler de races ou non? Certains disent oui, d'autres non. Mais vous l'aurez compris, Miller, mon propos n'est<br /> pas de dire que les races existent ou non, il est de dire que le seul vrai problème est de hiérarchiser les individus selon leur origine ethnique ou leur couleur de peau. A part ça, qu'il y ait<br /> des petits hommes verts avec des antennes sur le dos ou des humaines violettes en forme de méduses m'importerait fort peu, si on n'en tire aucune conclusion sur leur capacité à être dominant(e)s<br /> ou soumis(e)s.<br />
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M
<br /> Eh bien, pour une fois, je ne suis pas d'accord avec Françoise!<br /> <br /> <br /> Toute la première partie du texte, oui, je l'approuve. Ce n'est pas en niant les différences qu'on les abolit. Il y a des Noirs, des Blancs, des Jaunes, etc. On peut en parler, en rire, il faut<br /> en rire!<br /> <br /> <br /> MAIS: dire que les différences entre les Noirs et les Blancs, c'est comme la différence entre les hommes et les femmes, là, chère Françoise, vous vous trompez lourdement! Entre les hommes et les<br /> femmes, il y a une différence fondamentale, sexuelle, irréductible, qu'il n'y a pas entre un homme noir et un homme blanc, puisqu'entre ces deux hommes, il y a tout une palette de couleurs et de<br /> morphologies différentes.<br /> <br /> <br /> La différence sexuelle existe, les races n'existent pas!!! Pour dire les choses plus simplement: on peut mettre l'humanité dans 2 boîtes différentes: les "hommes" et les "femmes". Mais on ne peut<br /> pas mettre l'humanité dans des boîtes comme "les Blancs", "les Noirs", "les Jaunes", etc. car il y a mille nuances de couleurs entre eux!<br /> <br /> <br /> Nier que les races existent, ça ne veut pas dire qu'on nie les différences: oui, il y a des hommes blancs, des hommes noirs, des hommes café au lait ou jaunes, mais les "races" elles n'ont aucun<br /> fondement scientifique!<br /> <br /> <br /> Je comprends bien cela dit le fond de votre papier, mais je voulais préciser ce point.<br /> <br /> <br />  <br />
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