Un clou chasse l'autre, une actualité aussi. A peine est-on parti en guerre au Mali que Pistorius tue sa compagne, qu'une famille est enlevée au Cameroun, la croissance prise en otage par les politiques d'austérité, tandis que la viande de cheval remplace le bœuf dont les farines, elles, nourriront les poissons d'élevage avant que ceux-ci ne deviennent fous, mais à quoi reconnaît-on un poisson fou ?
Dans ce salmigondis d'informations, on avait quasiment oublié la crise grecque. Au point qu'on est tout surpris que François Hollande vienne d'y aller, en Grèce, surtout après avoir piteusement renoncé à ses convictions et dit oui à Angela Merkel et à l'austérité, mariage pas très gai.
Qu'on se rassure ! François Hollande était présent en Grèce, pour faire des affaires. « La Grèce a décidé un programme de privatisation. Les entreprises françaises seront présentes ». Car là-bas, tout est à vendre, les services publics, l'eau, l'énergie, les œuvres culturelles, les îles, les fonds marins … Ce qui attire les charognards du monde entier, comme la reconstruction de la Lybie et plus tard de la Syrie ( tiens, on en parle moins alors qu'on s'y massacre toujours beaucoup...) vont « ouvrir des marchés », quel cynisme !
Pendant ce temps, l'austérité, avec sa mine compassée de révérende vous condamnant à expier vos péchés de frivolité, répète aux gens qui bossent et à ceux qui ont le malheur de ne plus avoir de travail qu'ils vivent « au-dessus de leurs moyens ».
Pour en revenir à la Grèce, ils ont le sens de l'humour (noir) les Grecs, au point de jouer une pièce intitulée « Vive la crise ! » tous les mercredis et jeudi à 21h30 à la comédie St Michel, 95 bd St Michel (75005). Spectacleproche du café-théâtre, ça commence sur un ton de farce avec des caricatures d' Angela (Merkel) Nicolas (Sarkozy) et Georges (Papandréou) mais un texte historique. Toute la pièce est en effet construite sur la mise en perspective d'extraits de discours de Papandréou,- dont on mesure avec le recul qu'il a vraiment dit n'importe quoi, langue de bois d'olivier massif- avec ce que vivent les Grecs. On y apprend au passage beaucoup sur les jurons grecs et la façon de maudire l'ennemi jusqu'à la 5ème génération, ça peut servir.
Peu à peu, le rire fait place à l'émotion quand une scène tragique, puis une autre, nous rappellent des événements- suicide d'un vieux pharmacien, mort de trois jeunes lors d'une manifestation- qui nous avaient indignés à l'époque et furent vite oubliés, chassés par d'autres faits. Trop d'info tue l'info...
C'est pourquoi existe ce spectacle, comme l'explique l'auteur Alexandre Kollatos : « Nous sommes ici pour que personne n'oublie que la crise continue et que le peuple grec souffre ». Pour rappeler aussi que Georges Papandréou, malgré son échec, a été réélu à l'unanimité président de l'Internationale socialiste en 2012 et que depuis octobre de la même année, il fait des séminaires à Harvard sur la crise politico-économique pour un salaire mensuel de 46.000 euros.
L'austérité avec sa mine de supérieur maniant le martinet, oublie de s'indigner que des dirigeants d'Etats ou d'entreprises qui ont mené ceux-ci ou celles-ci à la faillite se reconvertissent sans difficultés avec des salaires indécents. Pourquoi essaieraient-ils de « sortir de la crise » puisque celle-ci n'a aucun effet dévastateur pour eux ?
L'austérité oublie aussi de dire à Laurence Parisot qu'une phrase telle que celle qu'elle a proféré : « Si l'accord négocié sur le droit du travail n'est pas voté par les députés tel que nous l'avons rédigé, nous le ferons savoir, cela pourrait dissuader les investisseurs étrangers de venir en France» est un chantage et même UN DELIT PENAL qui s'appelle : « Menaces et actes d'intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique »
Je serais député, je porterais plainte contre madame Parisot, qui n'est en rien élue du peuple et ne représente qu'une minorité de patrons, mais verrait bien le Droit du travail décidé par le MEDEF et une CFDT bien ramollie plutôt que par les députés. Pour moi, vieillasse qui ai connu la CFDT du temps de Edmond Maire, un syndicat combatif, innovant, imaginatif, c'est un crève-cœur de voir ce que Nicole Notat et ses successeurs en ont fait.
Soyons un maximum à signer la pétition contre cet accord qui, s'il est voté, fragilisera définitivement les salariés sans pour autant créer des emplois.www.france.attac.org/articles/signez-la-petition-non-laccord-medef-cfdt et pour lui dire « non » le 5 mars prochain.
Ce n'est pas grand chose, c'est mieux que rien. Il reste à définir comment rompre définitivement avec ce cynisme et cette brutalité érigée en mode de gouvernance politique ou économique. Parce que c'est injuste, certes, mais aussi extrêmement dangereux. La pauvreté et surtout le sentiment d'injustice sont un terreau idéal pour faire pousser fanatisme et violence. Ce n'est pas par hasard que se développent en Afrique des intégrismes qui n'avaient absolument pas cours il y a trente ou quarante ans. Que les actes violents : terrorisme, enlèvements, délinquance, suicides... se multiplient. Qu'une criminalité mafieuse- notamment blanchiment d'argent sale, corruption massive- s'insinue dans les économies du monde entier, au risque de les faire dépendre non plus de banquiers incapables et de politiciens pleutres, mais de criminels.
Et tout aussi navrant, la brutalité du monde finit par donner des envies de violence à de braves gens pacifiques qui n'auraient d'autres désirs que de vivre heureux et en paix.
Magnifique chanson grecque, adaptée en français par Georges Moustaki