« La monogamie et son inséparable compagne, la jalousie, engendrent des heurts, des dangers et des maux incompatibles avec le calme, l’harmonie et la confiance indispensables à l’amour et au bonheur. »
« Les hommes mariés sont loin d’être monogames. Qu’ils soient l’époux d’une seule femme, d’accord, mais qu’ils n’aient de rapprochements sexuels qu’avec celle-ci, qu’ils soient fidèles aux principes du mariage monogame, c’est ce qui ne saurait être soutenu par aucun esprit libre et sincère. »
« Toute la faute de l’adultère est dans la dissimulation et le mensonge ».
Ces phrases ne sont tirées ni d’un de mes livres, ni d’une des innombrables discussions qui se tiennent sur les sites polyamoureux, où l’origine des amours plurielles est tantôt affirmée comme anglo-saxonne datant des années, cinquante, tantôt issu des mouvements libertaires de mai 68, tantôt comme un désir actuel des jeunes de vivre différemment leurs amours, après la vague de divorces qu’ont connu leurs parents.
Non. Ces phrases sont tirées d’un livre paru en … 1926 sous le titre « la Maîtresse légitime ». Bourré de références historiques et littéraires de l’Antiquité jusqu’au XXè siècle, il montre que l’interrogation sur la possibilité d’aimer au pluriel est aussi vieille ou presque que l’humanité, et que l’humain a décidément du mal avec la monogamie !
Cet ouvrage prône donc la polygamie masculine pour pallier le penchant naturel des hommes à aimer ailleurs, les femmes étant présentées, machisme de l’époque oblige, comme plus naturellement monogames. Cependant, leur sort n’était pas oublié, puisque l’auteur, Georges-Anquetil, avocat, journaliste et éditeur, expliquait que par suite de la guerre de 14/18 et ses millions de tués, les femmes se trouvaient en surnombre.
Il avait d’ailleurs attiré l’attention des parlementaires sur « l’ampleur du problème sexuel de 18 millions d’européennes que le surnombre des femmes, le massacre des mâles et l’égoïsme de la monogamie condamnent aux misères physiologiques et morales du célibat. »
« La Maîtresse légitime » fût vendu à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. Des députés, des gens de lettres hommes et femmes, des journalistes, des universitaires et des romanciers réagirent à ce livre, soit pour le fustiger comme immoral, soit pour conclure avec humour qu’autoriser plusieurs amours enlèverait bien du charme à l’adultère, trouver qu’une femme coûte déjà cher, alors plusieurs… ou pour convenir que cela ne ferait que légaliser un état de fait : l’homme est capable d’aimer plusieurs personnes en même temps, ce qui était affirmé dès le 17è siècle :
« L’amour divisé, discours académique où il est prouvé qu’on peut aimer plusieurs personnes en même temps » (poème de Vion d’Alibray, 1653)
Georges-Anquetil était imprégné de la misogynie de son époque et de la certitude que l’adultère féminin est plus grave que le masculin en raison de ses conséquences : déshonneur du mâle, risque d’enfants adultérins. Sur ce dernier point, il n’avait pas tort, à une époque où la contraception n’existait pas. Cependant, un homme lui écrivit : « Féministe convaincu… je suis pour la polygamie réciproque, parce que je suis pour la disparition du mensonge, de l’hypocrisie, d’une fausse morale dont tout le monde fait l’étalage et que personne, ou presque, n’observe. (Alexandre Mercereau, penseur et poète). L’écrivain Victor Margueritte s’écria : « Au problème tel qu’il le pose, un corollaire s’impose : la polyandrie. Mêmes droits à la femme qu’à l’homme ! »
Enfin, une femme lui proposa de rédiger le symétrique du livre la Maîtresse légitime. Beau joueur, Georges-Anquetil accepta, et c’est ainsi que parut « l’Amant légitime » sous la signature de Georges-Anquetil et Jane de Magny, livre abondamment argumenté et émaillé de références historiques, comme le précédent, qui se concluait par cette fière déclaration : « On ne fait pas deux fois sa vie : aucun homme, même notre mari, n’a le droit de gâcher la nôtre ! » et proposait une pétition au Parlement « en vue de la filiation maternelle (l’enfant porterait le nom de la mère) de l’abolition du délit d’adultère, de l’abolition de l’excuse légale du mari qui tue sa femme (quand elle l’a trompée, ndlr) de l’autorisation légale de la bigamie pour les deux sexes. »
J’ai découvert ce livre aussi abondamment annoté que ses manuels de droit et recueils de Jurisprudence, dans le bureau de mon père, à côté d’un ouvrage sur la liberté sexuelle en Suède, datant de 1965. Les chats ne font pas des chiens…
A propos des amours plurielles, polyamour ou Lutinage, deux photographes cherchent des personnes intéressées. Pour tous renseignements, voir le lien : http://polyamour.info/discussion/-cb-/Appel-a-participation-pour-reportage-sur-le-Polyamour/
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DEPUIS LE 15 NOVEMBRE 2008, JULIEN COUPAT, N°D’ECROU 290173 A LA PRISON DE LA SANTE EST DETENU, SUR UNE ACCUSATION DE TERRORISME SANS AUCUNE PREUVE. CONTINUONS A LE SOUTENIR ET A RECLAMER SA REMISE EN LIBERTE ; |