"On ressent quoi – même si c’est bien payé – quand on n’a (même) pas 20 ans et qu’on attend son tour pour aller se coucher sous un vieil équidé en sueur ? Qui veut voler votre jeunesse, votre avenir et votre beauté parce que lui n’en a plus?" interroge ce mois-ci le magazine Causette "plus musclé du cerveau que du capiton" à propos de Berlusconi. Ca change des féminins encensant "le courage d'Anne Sinclair"!
Causette a débuté tout petit à quelques milliers d'exemplaires, bimestriel, avec des articles énergiques et drôles à l'opposé de la gnangnantise ou de la branchitude modeuse de tant de féminins. Bref, ça avait tout pour échouer et d'ailleurs peu de monde y croyait. " Le féminisme, en 2010, c'est ringard, vous êtes plus que nos égales, c'est vous qui dirigez tout en sous-main, vous les femmes. Refrain masculin connu..." Personnellement, j’explore avec passion la planète des hommes parce que je trouve leur univers infiniment plus rigolo que celui dévolu traditionnellement aux femmes, et je rejoins Benoîte Groult lorsqu’elle dit qu’il ne faut rien s’interdire au motif qu’on est une femme. Reiser, le dessinateur, qui était féministe dans l’âme sinon dans tous ses dessins, considérait qu’une femme devait pouvoir roter et péter autant qu’un homme sans en être gênée. Je comprends l’intention, mais trouverais plus plaisant que les hommes se retiennent de roter et péter en public. ..
Pour revenir à CAUSETTE, ce n’est pas le genre à écrire : "Si vous faites l'amour en étant sur Jules, pensez, dès 30 ans, à lui tourner le dos afin qu'il ne soit pas choqué par vos seins qui pendent". (Authentique!) Forcément, à 30 ans, on a le nichon flasque si on n'a pas utilisé telle ou telle crème miraculeuse, voire des injections de ci ou de ça ou de la chirurgie. Mais tout de même, quel remède au plaisir que de se dire en pleine action: "Faut que je me tourne, sinon mes seins vont balloter au nez de ce type fabuleux à qui je dois apparaître parfaite, épilée, peau de pêche..." Les mecs n'y sont pour rien, la majorité des rédactrices sont des femmes. Qui écrivent n'importe quoi- je me souviens d'une chef de rubrique "Beauté" ridée comme une reinette de fin de saison qui osait écrire "cette crème vous miracule littéralement la peau" - juste pour raisons publicitaires, faut bien faire rentrer l'argent!
"Tout ce qu'on vend aux femmes exalte leurs défauts, des produits pour une ligne parfaite, une beauté sublimée, un corps de rêve, un bronzage impeccable, sous-entendu qu'est-ce que vous êtes moche au naturel, mais cette perfection à quel prix, mon Dieu, à quel prix! Si l'amour d'elles-mêmes est payant, comment pourraient-elles croire que l'amour des autres peut être gratuit?" (Ce qui trouble Lola, à la fois féministe et bissexuel, j’adore ce roman même s’il est de moi J )
Causette parle autrement aux filles, et il faut croire que cela leur a parlé puisque le magazine a aujourd'hui une diffusion de plus de 90 000 ex, qui l'autorise à passer mensuel, yessss!!! Pour fêter ça, le magazine organise ce samedi 15 octobre une interminable Tea-Party (ça fait un peu vieille dame sentant la poudre de riz cet intitulé, mais bon...) où je serai, avec quelques autres, pour débattre du couple: "Couplables, forcément couplables?" Pas pour sauverle couple ni pour en médire, pas pour en rêver, juste pour s'interroger sur cette prégnance de la notion de "couple" qui rend les humains si incapables d'inventer d'autres voies amoureuses. Et là, je passe encore la parole à Lola: " Le couple, c'est 50 millions d'enjeux trop forts, un projet de vie, de l'argent, des enfants du pouvoir... La grande escroquerie du couple c'est de ne pas révéler qu'en s'unissant, chacun s'est amputé d'une part de lui-même et n'aura de cesse de la retrouver au prix d'un affrontement quotidien avec l'autre, tout être humain n'a qu'une obsession, se sentir exister, l'ego est mille fois plus puissants que l'amour, ne s'en détachent vraiment que les saints ou Bouddha, mais pour y parvenir, la plupart ont vécu solitaires!"
Pour couper l’herbe sous le pied à ceux et celles qui objecteront que je me suis mariée à 21 ans, je précise que la veille du mariage je voulais tout annuler, persuadée que ce n’est pas parce qu’on aime un homme qu’il faut l’épouser et que j’étais une erreur de casting évidente dans l’institution du mariage. Si nous sommes encore là aujourd’hui, c’est peut-être, justement, pour ne pas nous être définis comme « couple » mais comme individus, et je cède la conclusion à Benoîte Groult : « J’ai longtemps pensé dans ma jeunesse que s’aimer, c’était fusionner. Je ne le pense plus. Il me semble aujourd’hui qu’aimer c’est rester deux, jusqu’au déchirement. » (Les vaisseaux du cœur, roman que j’ai dû relire douze fois !)