Sur Internet, des passionnés de la faculté de Rouen et de l’institut Flaubert ont ouvert un site www.bovary.fr où ils ont numérisé les manuscrits de Flaubert, avec les pages raturées, les innombrables versions, jusqu’à la dernière qui devait satisfaire à l’épreuve du « gueuloir » pour être admise par l’écrivain. Par parenthèse, ça doit stupéfier NS que des gens consacrent des années à un tel travail, lui qui a du mal à simplement lire « la Princesse de Clèves », mais lui a finalement fait une belle publicité puisque le livre est 695è dans les ventes Amazon, très loin devant la « biographie non autorisée » de son ami Jacques Seguela, classé 56 225è (ce jour à 10h30)
A Paris, une exposition célèbrera à partir du 26 mai à la maison des manuscrits les 50 ans de la mort de Boris Vian, avec des manuscrits à l’encre bleue ou verte, fort peu raturés car ce diable d’homme aux mille talents avait la plume aisée. http://www.borisvian.org/evenements.php
Comparer les écritures, les versions d’un roman, les mots essayés, rayés, repris, crée un contact sensuel avec l’œuvre : on imagine l’auteur, ses stylos, plumes, encriers ou cartouches… On le voit volontiers écrire à la terrasse d’un café, sortir de sa poche un carnet et y griffonner fébrilement. On suit le cheminement de l’histoire, la naissance des personnages qui finissent par échapper à leur créateur.
Comment les générations futures suivront-elles ce cheminement de la pensée ? Le traitement de texte n’en laisse rien voir, si ce n’est le fameux « affichage et suivi des modifications » sous forme de pavés de texte en lettres d’imprimerie rouge ou bleu. Même présentation pour tous, que l’auteur soit génial ou banal, angoissé ou sûr de lui, que le texte soit une fresque historique ou une notice d’appareil ménager. Arasement des émotions, nivelage des différences…
Un de mes éditeurs, au tout début du traitement de texte électronique, se disait capable de différencier un texte écrit à la main puis saisi à l’ordinateur d’un texte directement écrit sur ordinateur. Il affirmait que le premier révélait davantage de contact « charnel » de l’auteur avec son œuvre, alors que le second, parfois plus perfectionniste dans la forme- c’est tellement aisé de corriger avec les copier/collé, rechercher…- était plus distancié. Peut-être n’était-ce qu’une impression subjective, mais le rapport au livre n’est-il pas essentiellement subjectif ? Ce dont je suis sûre, c’est que lorsque j’achève un texte à l’ordinateur et l’imprime après l’avoir corrigé 10, 15, 20 fois… je trouve toujours des choses à modifier à la lecture sur papier. Tout comme je ne lis pas de la même façon un texte sur écran et un livre sur papier dont je tourne les pages. Tout comme une projection de photos numériques et un album de photos sur papier ne me procurent pas une émotion identique.
Il paraît que les derniers e-books reproduisent à s’y méprendre la page d’un « vrai » livre. Certes. Mais le contact tactile n’est toujours pas le même. Visualiser (un écran) ou toucher (le papier) ce n’est pas la même chose, tous ceux qui ont tenté l’amour virtuel sur Internet vous confirmeront que cela peut être plaisant mais a peu à voir avec une véritable étreinte.
Lola a besoin de toucher les hommes pour qu’ils la touchent. Ils n’y sont pas habitués, mais ils aiment. Ils aiment le langage de ses mains sur leur corps, s’émeuvent qu’elle prenne le temps d’explorer chaque centimètre carré de leur peau : « que tu es douce… » elle découvre leur besoin d’abandon et son plaisir personnel à les y amener, les rendre vulnérables.
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