Des mémoires posthumes de sœur Emmanuelle, qui a fait tant de choses importantes au cours de sa longue vie, les medias ont surtout retenu, si j’en crois les revues de presse sur Internet, que la religieuse se livrait au plaisir solitaire découvert dès l’école primaire et qu’elle avait éprouvé toute sa vie « l’aiguillon du désir », concluant sereinement « de tous les péchés, je pense que le péché de chair est le moins grave aux yeux de Dieu. » Benoît XVI qui a récemment réaffirmé que la masturbation est un acte intrinsèquement et gravement désordonné doit en être tout retourné. Déjà que l’abbé Pierre avait lui aussi relaté ses amours…
Le philosophe Frédéric Lenoir, auteur d’un « Petit traité d’histoire des religions » (Plon) rappelle fort a propos que l’obsession sexuelle (ou antisexuelle) de l’Eglise catholique n’a pas grand-chose à voir avec la parole divine. D’ailleurs la Bible, livre fondateur de la chrétienté, regorge d’histoires sensuelles et d’amours flamboyantes, parfois discutables puisqu’on n’y hésite pas à vivre des passions criminelles où le rival est assassiné. Le sexe (et la femme) à l’origine de tous les maux du monde est une théorie de St Augustin et de St Paul reprise par le clergé catholique, les protestants et orthodoxes étant quant eux bien plus cool à l’égard de la sexualité, qu’ils connaissent puisque pasteurs et prêtres orthodoxes ne sont pas tenus au célibat.
Or qui était St Augustin ? Un méditerranéen fieffé coureur de jupons et macho en diable J, qui ne supportait pas la violence de ses désirs et, pour s’en protéger, jeta l’anathème sur les femmes : on lui doit de mémorables sentences d’une misogynie si excessive qu’elle en devient plus que stupide, ridicule.. Qui était Paul ? Un homme ni très beau ni en très bonne santé qui avait une haine profonde pour son corps, source de tous ses maux, opposé à l’esprit, qui le valorisait. Il décréta donc que la chair était à l’origine de tous les péchés et s’acharna contre la sexualité avec une trouble obstination.
En somme, depuis vingt siècles, les catholiques et d’une façon générale la société dite judéo-chrétienne traînent une culpabilité vis-à-vis du sexe à cause de deux hommes frustrés et mal dans leur corps. Frustration et malaise que l’Eglise s’est attachée à perpétuer en exigeant des religieux une abstinence qu’à l’évidence ils ne peuvent tenir.
« L’homme s’est fixé des objectifs d’abstinence et de fidélité que très peu sont capables de vivre, a dit un jour un pasteur sur Arte, et à cause de cela il souffre chaque jour de ne pas être à la hauteur d’objectifs impossibles. »