J’ai reçu un jour une lettre virulente d’une femme persuadée que j’étais la maîtresse de son mari. Elle avait trouvé dans ses affaires un de mes livres, dédicacé. « Tu la connais ? » Oui, on se voyait pour raisons professionnelles et, ayant acheté un de mes livres, il m’avait demandé de le lui dédicacer un jour que nous prenions un verre. Dédicace en l’occurrence très neutre … Nous avions discuté d’érotisme, puis pris congé. Mais au lieu de raconter ces faits tout simples à sa femme, le mari honteux (de quoi) et confus (pourquoi ?) bredouilla, s’emmêla, bégaya et finit par lancer : « Ne te fais aucun souci, de toutes façons c’est un thon ».
Le hasard voulut que cette jeune femme me vit lors d’une émission télévisée, et constata que pour un thon j’avais encore de beaux filets. En conclut que si son mari lui avait menti, c’est qu’il y avait forcément anguille sous roche (cette histoire sent décidément le poisson) et que moi, perverse diablesse, j’avais forcément capturé le malheureux dans mes griffes perverses. Je vous passe les mille et une malédictions que m’adressait cette dame.
Eberluée, attristée aussi d’une telle diatribe, je lui répondis en lui expo sant l’exacte teneur de mes relations avec son légitime, précisant que vivant dans un foyer délicieux où je conjuguais rare tendresse et totale liberté, je ne convoitais aucunement celui des autres et n’avais par ailleurs aucune envie de relation amoureuse avec un homme-le sien- trop occupé pour s’offrir autre chose qu’une sauterie sans âme entre deux rendez-vous. Je terminais en lui demandant si elle était plus affectée par l’idée que je pouvais être la maîtresse de son mari- en ce cas je pouvais la rassurer : il n’en était rien, ou affectée de découvrir que je n’étais pas un thon : en ce cas, elle devait s’interroger sur sa confiance en elle et sur les raisons qui avaient poussé son mari à lui asséner ce bobard.
La dame me répondit fort gentiment, s’excusa de sa violence, fût rassurée et, j’imagine, en profita pour régler ce qu’il fallait avec son compagnon. (à qui, dans l’intervalle, j’avais vertement reproché sa goujaterie…)
Les hommes sont bizarres… Aux dires de certains, un dîner avec moi, une carte postale « Bonjour de Grèce, la mer est bonne, l’ouzo aussi », voire un simple texto professionnel de ma part seraient de nature, si « elle » savait, à bouleverser leur compagne, briser leur couple, et attirer sur leurs têtes de mâles les pires ennuis : « Tu comprends, comme tu écris des livres érotiques, elle se méfie forcément! » « Bon Dieu, mais c’est bien sûr : une écrivaine érotique ne peut que sauter sur tout ce qui bouge ! Si j’écrivais des romans policiers, ta compagne penserait-elle que je passe mon temps à braquer des banques ? »
Et surtout : est-ce que ça t’écorcherait la langue de dire que tu me connais, que nous sommes amis , que ça n’a rien de honteux et que je ne viole pas tous les hommes qui passent à ma portée ?
Quant à ceux qui pratiquent l’adultère coupable- je veux dire qui lutinent mais tiennent au secret, ce qui est fréquent et concevable- qu’ils assument leur double jeu avec élégance et gèrent eux-mêmes leurs relations conjugales sans en faire porter le poids à leur maîtresse. Que leurs femmes sachent une bonne fois pour toutes que la majorité des maris adultères ne sont pas « tombés dans les rets » de créatures maléfiques… ils sont allés à la pêche sur Internet, dans la rue, ou dans des cafés, comme des grands. En proposant l’œil allumé des jeux de grandes personnes à des femmes tout aussi adultes qu’eux. Alors, qu’ils se conduisent ensuite comme des grands et non comme de petits garçons fautifs et assument leurs actes! Quant aux épouses, qu’elles se rassurent : leurs maris ne sont pas si irrésistibles et les autres femmes ne rêvent pas toujours de leur voler.
Même pour un simple emprunt, je reste très sélective J
Thon de différentes années (1973/2007)