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12 décembre 2012 3 12 /12 /décembre /2012 15:51

Les musiciens des orchestres nationaux ou régionaux, inspirent du respect pour leur talent et de la réserve tant ils paraissent appartenir à un monde à part et pour tout dire privilégié : c'est vrai, quoi, gagner sa vie comme artiste salarié, à l'abri du besoin et quasi assuré d'avoir un public, c'est carrément le beurre et l'argent du beurre. Que l'on croit ! Car l'artiste perdu au milieu des autres exécutants est de surcroît partagé entre l'amour fou pour son instrument et le désespoir de n'exister que derrière cet instrument. Interprète et non sujet. Quand il s'agit d'une contrebasse, il est carrément occulté par cet objet immense aux courbes féminines et aux sons graves plutôt mâles.

affiche la contrebasse 50La contrebasse, pièce écrite par Patrick Süskind, auteur du mythique roman : « le parfum » (plus de 15 millions d'exemplaires) raconte le désarroi d'un contrebassiste dont l'instrument est tout à la fois passion, répulsion et obsession, au point qu'il parasite la vie amoureuse et la quête de reconnaissance du musicien. Ce pourrait être un texte austère pour Happy few. Thierry Rémi, qui l'interprète avec brio, en fait un monologue caustique et poétique dont on s'aperçoit très vite qu'au prétexte de l'instrument, il nous parle de nous, de l'envie qui tiraille chaque être humain d'être aimé et reconnu, envie qui le rend tour à tour insupportable, tyrannique et émouvant.

Laurent-Terzieff-1975_portrait_to_carre_141x141.jpgCette pièce  a été jouée au Théâtre du Pont tournant à Bordeaux, elle se joue actuellement au Lucernaire à Paris, théâtre où officiait Laurent Terzieff. Ces deux théâtres, qui ont pour objectif de mettre le spectacle à la portée de tous réussissent leur pari : les salles sont remplies, « La contrebasse » a été prolongée jusqu'au 23 janvier pour cause de succès, le restaurant du Lucernaire affiche très vite « complet » et pourtant les deux établissements sont sans cesse sur le fil du déficit, quand ce n'est pas menacés de fermeture. Le prix des loyers, le chauffage, les frais fixes... les mettent en perpétuel danger financier qu'une simple baisse de fréquentation rend fatal Tout comme les librairies, qui ne peuvent stocker assez de livres car au prix du m2 et de la manutention le stockage devient trop coûteux. Ce n'est pas l'Art qui est un luxe, c'est l'immobilier. Mais ce sont les théâtres et les librairies qui trinquent, rarement les promoteurs...

Pourtant, l'Art reste un des meilleurs moyens de créer du lien social et d'endiguer la violence. La compagnie Aleph, qui en est réduite à faire appel aux dons pour financer la construction de son théâtre, œuvre tout au long de l'année dans le domaine du théâtre d'intervention : ateliers pour ados en difficulté, informations sur la drogue, le SIDA ou la violence à travers des pièces de théâtre, etc... Plus efficace que de multiplier les effectifs de police pour arracher le mal de la violence à la racine. Donner aux futurs délinquants une raison d'exister à travers le langage plutôt qu'avec leurs poings ou leurs armes. Gérard Depardieu l'a plusieurs fois répété : s'il n'avait pas été acteur, il serait devenu délinquant.

Tiens, Gérard, tu m'y fais penser : au lieu de filer en Belgique comme un vulgaire exilé fiscal, si tu consacrais une part de tes revenus à subventionner des théâtres, histoire de rendre à la scène ce qu'elle t'a donné ? En plus- parole d'ex-inspecteur du Trésor- il me semble bien que cela te donnerait droit à une déduction fiscale !

 

 

 

(Photo Terzieff de Michel Ristroph pour Télé7jours 1975)

 

 


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6 décembre 2012 4 06 /12 /décembre /2012 16:51

C'était une fille bourrée de contradictions : maoïste, elle passait des nuits à commenter le petit livre rouge avec ses compagnons de route... tout en tricotant de larges pulls hippies fushia et violet. Pour elle, toute propriété était petite-bourgeoise, tout devait se partager... sauf l'amour où elle restait très exclusive, déplorant que mon existence l'empêchât de posséder totalement mon cher et tendre. Elle dépensait très peu pour se nourrir, essentiellement de yaourts et de cigarettes, jetait un œil méprisant sur nos plats mijotés chers et bourgeois, forcément... mais se ruinait en crèmes anti-cellulite dont elle n'avait nul besoin. Elle aurait dû en toute logique m'horripiler mais ce ne fut pas le cas, tant je trouvais passionnant d'observer en une seule personne tant de contradictions. Depuis, voir chaque individu comme une personne, avec ses complexités, ses points positifs, ses points agaçants, ses mystères... est un réflexe qui simplifie et enrichit- ce n'est pas contradictoire- considérablement mes relations.

hippie.jpgdsc_6646.jpgQu'une personne soit un garçon, une fille, jeune ou vieille, pauvre ou riche, amant(e) copain, copine ou ami(e) célèbre ou inconnu(e) ne crée plus de barrières, l'important est l'alchimie qui se créera entre cette personne et la personne que je suis, sans programmation ni a priori. Juste de la curiosité. On me l'a reproché : « Tu n'es pas vraiment amoureuse, tu étudies scientifiquement les hommes ». Ça se discute, d'autant plus que, pour les avoir beaucoup fréquentés étant journaliste, je sais avec quelle passion les chercheurs se consacrent à leur sujet d'études, et j'y ai sans doute mis la même... plus durable et approfondie que le dérèglement hormonal qu'on appelle d'ordinaire passion amoureuse.

pingouins.jpgConsidérer l'autre comme une personne délivre des affres de la timidité et de la hiérarchie. "Si haut que soit son trône, le roi n'est jamais assis que sur son cul », or un cul j'en ai un, et un cerveau aussi, qui ne fonctionnent peut-être pas tout à fait comme celui de la personne face à moi, mais justement : se découvrir différent sans se demander si on est « plus » ou « moins », délivré de la compétition imbécile que génèrent si souvent les apparences sociales, les statuts, le sexe, la couleur de peau, l'orientation sexuelle, les opinions politiques... permet de converser avec tout le monde et de tout se dire. A quelqu'un qu'on considère comme une personne, on peut tout exprimer car on l'estime capable de tout entendre : du tendre comme du critique, des reproches comme des remerciements, c'est une forme de respect que de ne pas prendre de gants, de parler la main tendue, sans armes ni protection.Ni agressivité.

 

Coltan-les-mines-de-lenfer2-copie-1.jpgPenser l'Autre comme une personne la sort de l'anonymat du grand nombre, on devrait obliger tous les décideurs à le faire : il se souviendrait que licencier 800 personnes signifie 800 fois apporter du malheur, 800 familles dans la peine, 800 fois l'angoisse du lendemain, 800 fois la douleur de se sentir exclu, méprisé, chosifié... Ça a un autre poids qu'annoncer benoîtement 800 suppressions de postes.

On m'écrit beaucoup,je réponds toujours. Cela étonne souvent les lecteurs. Cela étonne certains auteurs : « Tu réponds à toutes les lettres? Moi, je n'ai pas le temps. » C'est vrai, cela prend du temps, mais chaque personne qui m'écrit a bien pris le temps de le faire. Je prends celui de répondre.

amis.jpg

 

Aimer avec le plaisir renouvelé -donc sans risque de routine- d'observer la personne aimée, de la voir évoluer, changer, de la connaître à la fois par cœur et pas du tout, pour la joie de la voir heureuse et l'envie de l'étreindre s'il lui arrive de ne pas l'être, pour le plaisir d'être avec elle et le plaisir tout aussi grand de s'en éloigner, histoire de la voir sous un jour différent, comme on regarde un tableau de loin pour en saisir des détails impossible à voir si on colle le nez dessus, délivre des tourments de l'amour qui font peut-être de beaux romans mais rarement des vies heureuses. Et c'est pourquoi la plus belle déclaration d'amour qu'on m'ait faite tenait en cette jolie phrase : « J'aime te regarder vivre. »

 

 

 

crépuscule milos

 

 

A partir du 1er janvier, les tarifs de la poste augmentent, comme plein d'autres choses. Dépêchez-vous de commander vos livres ou CD sur Autres mondes  avant le 30 décembre, après ce sera plus cher!

 

 


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22 octobre 2012 1 22 /10 /octobre /2012 19:38

Il est né en 1948, enfant du baby-boom amorcé dans l'euphorie d'après-guerre et qui se poursuivra pendant plus de dix ans. Trois ans après l'armistice, les restrictions alimentaires sont presque oubliées, la France est dans une dynamique de reconstruction, de croissance, et le bébé de 1948 bénéficie des acquis du Conseil National de la Résistance: prestations sociales, assurance-maladie, suivi médical des enfants qui font des baby-boomers une génération pléthorique et costaude.

enfant 1958Grâce aux antibiotiques et aux vaccinations obligatoires et gratuites, grâce surtout à l'amélioration de l'hygiène, à une meilleure alimentation et aux logements enfin équipés de salle d'eau et de chauffage, la mortalité infantile tombe en flèche. Bien avant le vaccin, la rougeole qui tuait des milliers d'enfants chaque année (comme en Afrique aujourd'hui) devient une maladie infantile bénigne, avec une cinquantaine de décès par an pour 800 000 cas. Les vaccins n'amélioreront jamais ces statistiques de mortalité: ils feront baisser les cas de 90%, mais la mortalité restera scotchée à 30 à 50 décès annuels, il y a des chiffres incompressibles... Les parents des baby-boomers seront les premiers à ne pas considérer la perte d'un enfant comme un événement hélas courant.

de gaulle 51 (1)Baby-boomer va vivre le début de la 5ème république en 1958, les événements de mai 68, l'échec de l'Union de la gauche en 78, la seconde élection de François Mitterand en 1988, l'offensive Serbe au Kosovo en 98 et la crise financière en 2008. Parfois, il se demande pourquoi les années en “8” sont si importantes, mais il regarderait les autres, il s'apercevrait qu'elles sont toutes porteuses d'événements historiques, le “8” ne lui importe que parce qu'il est né en 48, le baby-boomer a une tendance narcissique qu'exacerbe le sentiment de faire partie d'une génération bénie mais si nombreuse qu'il va lui falloir se démener pour sortir du lot.

Dans sa première dizaine, c'est un enfant heureux, qui mange du chocolat au lait ou à croquer- pas encore de dizaines de variétés dans les linéaires- que des parents savourent après les horribles succédanés des années d'occupation. Il joue dans la rue sans crainte, se fabrique d'improbables véhicules avec un cageot et des patins à roulettes à lanières, se passionne pour le meccano, lit Bibi Fricotin et les Pieds Nicklés et fréquente la communale.

A quelques années près, il va échapper à la guerre d'Algérie et au service militaire qui, pour ses aînés, a duré 30 mois dans les Aurès. Il est la première génération à ne pas connaître l'angoisse de mourir au front.

Lalonde3 mai 68 AFPpour webMai 68 lui fait prendre conscience de sa puissance, quand quelques milliers de jeunes de son âge font trembler le pouvoir et impriment pour les années à venir d'autres façons de penser, de s'habiller, de faire de la musique et d'aimer. Il connaît la “parenthèse enchantée” avec pilule et sans SIDA. C'est la première génération- et la seule pour l'instant- à connaître une sexualité joyeuse et sans risque en compagnie de jeunes filles qui ont jeté le soutien-gorge et la virginité par dessus les barricades. Les magazines pour jeunes l'encensent et en font le modèle de référence. Dans les années 70, être jeune et révolutionnaire se porte bien, les baby-boomers s'emparent des moyens d'expression qu'on appelle bientôt les medias et ne les lâcheront plus, ils y sont encore aujourd'hui... Ce faisant, ils s'arrangeront pour ne jamais vieillir, présentant à chaque décennie les valeurs de leur génération comme la norme suprême.

99f2.jpgDans les années 78/88, décennie “fric” des années 80, les baby-boomers rendent populaires les “golden boys” qu'on n'appelle pas encore traders. Les jeunes politiciens de l'époque sont issus pour beaucoup des mouvements contestataires des seventies mais savourent sans complexes les délices de l'argent et des paillettes présentés comme modernes et innovants. “Vive la crise!” Baby-boomer est partagé entre la nostalgie des généreuses seventies et l'attrait des sunlights qui boostent les carrières. Entre les boomers de la capitale et ceux de province se crée un fossé, certains sont tiraillés entre les deux.

Il passe la quarantaine en 1988, un peu fatigué... Il a fondé une famille très jeune, a divorcé, s'est remarié, ou au contraire a convolé sur le tard et eu son premier enfant à 35 ans. Entre famille recomposée ou couches-culottes, baby-boomer a besoin d'une pause. C'est la décennie du “cocooning” que les medias- toujours babyboomés- présentent comme le nec plus ultra de la modernité dans des articles où d'anciens fêtards alcoolisés font l'apologie des “pasta-parties à la maison avec les copains.” Il est la première génération où les papas portent leurs bébés en kangourou avec fierté. Puisque les journaux parlent des “nouveaux pères”, ils en sont, c'est tendance... En jean et chemise blanche comme BHL, ou en total look de d'jeun's, c'est la première génération qui se sent ado à mi-vie, quasi immortelle puisqu'elle n'a jusqu'ici guère côtoyé la mort.

(il y a des exceptions, évidemment...)

images1998: fin du millénaire, guerre au Kosovo, naissance de l'Euro et premières rides marquées. Baby-boomer connaît son premier toucher rectal: “A votre âge, faut surveiller la prostate” explique laconiquement le praticien en retirant son doigt. A votre âge... Pour la première fois de son existence, baby-boomer réalise que le temps passe et il déteste cela. Heureusement, ses co-générationnels en place en politique et dans les medias gomment cette fâcheuse réalité, les uns en affichant à leur bras de jeunes donzelles, les autres en affirmant haut et fort que “la vie commence à 50 ans”. Même les femmes, vieilles à 30 ans chez Balzac, revendiquent la jeunesse du haut de leur quinquagénérité, des traitements contre la ménopause (qui n'est pourtant pas une maladie) et des bébés après 45ans. L'écart se creuse entre les babyboomers de condition modeste et les autres: les premiers ont vieilli plus rapidement que les seconds, le chômage les touche en premier.

nucl_aire.jpg2008: krach financier, panique à bord de la planète. Baby-boomer de 48, une fois encore, s'en tire bien. Il a juste assez de trimestres validés pour prendre sa retraite avant que la loi ne change, ce qui ne l'empêchera nullement de poursuivre une activité annexe pour “rester dans le coup” dit-il, sans aucune considération pour les 40/50 ans chômeurs qui piaffent à l'entrée de Pôle Emploi, attendant que babyboomer laisse la place. Il s'inquiète tout de même pour ses enfants, plus diplômés qu'il ne l'a jamais été et relégués dans des emplois précaires. Sa génération pléthorique a tout de la génération Attila. Après elle ne pousse pas un brin d'herbe. D'ailleurs l'herbe, l'eau et les ressources naturelles se raréfient, il en a profité et oublié qu'elles n'étaient pas inépuisables malgré ses défilés d'écolo des années 70 qu'il regarde aujourd'hui avec attendrissement et une certaine mauvaise conscience.

Mais voici que le ciel se couvre. Autour de lui, comme il dit, “ça dépote”: il apprend la maladie de l'un, le décès de l'autre. Pas vieux, souvent. Cancers, AVC, suicides... à 60 ans ou à peine plus. Mort démocratique qui touche les célébrités comme les inconnus. Il lui semble que sur le gâteau que la vie a toujours été pour lui, les bougies s'éteignent une à une. Avant de souffler la sienne, il aimerait bien se dire qu'il n'est pour rien dans le chaos d'aujourd'hui, mais il est honnête: qui d'autre que lui, que ceux et celles de sa génération, ont tenu aussi longtemps les rênes? Qui a laissé faire? Qui a profité, sinon cette génération qui voulait pourtant changer le monde et le rendre meilleur? 

fou3.jpgIl a de temps à autre des douleurs au réveil, s'inquiète d'une urine trouble, d'une toux qui s'éternise, d'une érection moins fringante... Il fait attention à son poids, à sa forme, fait du jogging, nage, a cessé de fumer et ne boit plus que du vin, autant dire plus d'alcool! Ses parents âgés de 85 ans ou plus le trouvent timoré: “A ton âge, on ne se trouvait pas un pet de travers tous les matins...” Il se demande comment font ses vieux pour ne pas être paniqués à l'idée de mourir sans doute bientôt. Lui y pense de plus en plus, il se dit que les quinze ans à venir seront celles de la décrépitude, il ne veut pas, il n'a jamais été préparé à l'idée de sa propre finitude ... Il se demande si ses anciens compagnons de route toujours au pouvoir ont les mêmes angoisses que lui et pourquoi ils mènent cette vie de fous, toujours le nez dans le guidon. “Justement, lui répond l'un, ça nous évite de penser à tout ça.”



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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 16:40

Cher Dieu,

communion privéeQuand j'étais petite, j'aimais tellement aller au catéchisme que je fréquentais deux cours, celui des petits et celui des moyens et allais à confesse chaque semaine raconter des broutilles du genre « j'ai oublié ma prière du matin ou du soir » ou « je me suis disputée avec mon frère», car à part cela, je n'avais guère à me reprocher, petite fille plutôt sage et sans histoires. Quel ne fut pas mon étonnement d'entendre le prêtre me poser des questions sur « les vilaines choses » que j'aurais pu commettre, et m'interroger longuement sur ma « pureté », concept dont à 7 ans j'ignorais tout. Ma mère, furieuse, alla engueuler le curé car elle ne comprenait pas qu'il pût mettre des idées vicieuses dans la tête des enfants. Eh oui, le sexe dansles années 60 était le vice absolu, à tel point qu'une de mes camarades, pensionnaire dans un collège de bonnes soeurs se voyait ordonner le jeudi à la promenade, lorsque le cortège des filles en rang croisait celui des garçons en rang : « Baissez les yeux, mademoiselle, voilà le péché qui passe ». J'ai donc su très tôt que la religion catholique- et les autres aussi, mais je l'ai su plus tard- sont obsédées par le sexe et profondément misogynes, à l'encontre des enseignements du Christ (que celui-ci ait été homme ou Dieu, peu importe) qui ne négligeait pas la compagnie des femmes, de préférence filles de joie.

communion solennelleEn 15 ans, j'ai tout fait : baptême, communion privée, confirmation, communion solennelle aujourd'hui appelée « renouvellement des promesses du baptême » et même renouvellement du renouvellement l'année suivante. Plus un chouïa de scoutisme avec la promesse des Guides prononcée face au drapeau français : « Sur mon honneur et avec la grâce de Dieu, je m'engage à servir de mon mieux Dieu, l'Eglise et la patrie, à aider mon prochain en toutes circonstances, à observer la loi des guides. » Loi qui nous enjoignait d'être... pures, évidemment, mais également loyales et généreuses, ce qui me plaisait davantage. 

 guidouille renouvellementTout ceci pour vous dire que je n'avais a priori rien contre vous. En revanche, je ne comprenais pas qu'on présente comme infiniment bon un Dieu si incapable de pardonner qu'il préfère faire tuer son fils pour « racheter le péché d'Eve », et méprise totalement le désarroi dudit fils pleurant au Jardin des oliviers à l'idée d'être crucifié. S'il était si bon et puissant, il lui suffisait de dire « allez, on efface tout et on refait un monde paradisiaque, non ? » Ce genre de rebellion énervait l'aumônier, qui m'enjoignait de « croire et arrêter de raisonner ». J'en conclus que le péché suprême, pour eux, ce n'était pas de tuer ( cf les guerres de religion, croisades, meurtres de l'Inquisition, sorcières brûlées et autres fous de Dieu qui assassinent l'infidèle au mépris du tout premier commandement : « Tu ne tueras point. ») mais d'essayer de comprendre, de savoir. Le savoir, c'est le pouvoir, d'où la volonté des gens d'Eglise de le garder. Longtemps ils furent les seuls à savoir lire et écrire.

verneuil4En Afrique, j'ai été bouleversée par le racisme de religieuses tapant l'une contre l'autre deux têtes de petits africains qui avaient raté leur dictée : « Ca sonne creux dans ces têtes noires! ». En histoire, j'ai lu avec frissons les massacres des Indiens qu'on embrochait par douze (en souvenir des douze apôtres, si, si!) lorsqu'il refusait de se convertir à la religion chrétienne. En philo, j'ai constaté la misogynie crasse d'hommes vénérés comme St Paul, St Augustin et à peu près tous les papes... « A 16 ans, enfin, constatant que j'allais à la messe essentiellement pour retrouver les copines, leur raconter mes chagrins d'amour et pleurer tout mon saoul dans l'ombre discrète des piliers de l'église, j'ai cessé de pratiquer... et constaté que cela ne changeait absolument rien aux valeurs de tolérance, d'ouverture, d'honnêteté et de justice qui sont les miennes et que j'ai retrouvé chez moult personnes ni religieuses ni même baptisées, mais passionnées par l'être humain et la vie sur terre. Quel soulagement, enfin, d’œuvrer pour le bonheur ici bas au lieu de glorifier sans cesse la souffrance sur terre et la résignation au nom d'une hypothétique vie éternelle dans l'au-delà ! Quel plaisir que la laïcité vraie, qui reconnaît à chacun le droit de croire ce qu'il veut, pourvu que cela reste du domaine privé et ne soit pas contraire à la loi laïque commune.

Aujourd'hui, je suis donc simplement laïque et déplore qu'il n'existe aucune émission consacrée à la laïcité et à ceux qui croient en l'être humain plutôt qu'en un ou des dieux. (L'union Rationaliste n'est pas agnostique, mais athée, ce qui peut devenir une autre forme de religion...) Je voudrais à ma mort un rituel joyeux et républicain que j'arrangerais comme je le souhaite, avec des textes et de la musique choisis par moi, et je déplore qu'aucune salle municipale n'existe à cet effet : on s'enterre à l'Eglise si on souhaite que les amis viennent vous saluer, sinon, c'est la quasi clandestinité d'un funérarium sinistre... Mes filles ne sont pas baptisées, mais je leur ai toujours raconté les aventures du petit Jésus, sauce évangile bon teint ou sauce Cavanna, selon mon humeur.

4589940873 471b8afed5 o (2)Tout ça pour dire- mais chacun l'a deviné- que je n'en peux plus d'être envahie journellement par les religions dans les médias, dans les rues où se font les prières et dans les églises qui s'équipent de haut-parleurs et infligent leurs cantiques à tout le quartier... Chrétienne, juive ou musulmane pour ne parler que des principales, toutes les religions ont vocation à la conquête, toutes cherchent à asseoir un pouvoir, toutes accumulent des richesses données par de pauvres gens à qui on promet le paradis après leur mort, toutes cherchent à soumettre les femmes au besoin par la force, toutes, dans l'histoire- exception faite de quelques religieux « rouges »- ont pris le parti du roi plutôt que du manant, en inculquant au manant la résignation à son sort. Le peuple français a choisi d'être laïque en 1789, dans les années 1970, la religion restait présente dans les familles mais avait quitté le domaine public et voici que depuis quelques années, rien ne se décide en haut lieu sans qu'une religion ou l'autre pousse des hauts cris : voile à l'école, mariage homosexuel, contenu des manuels scolaires... elles veulent intervenir sur tout, lobbies d'autant plus puissants que les critiquer est aussitôt qualifié de blasphème.

Si Dieu existe, cela ne me dérangerait aucunement, ce serait une affaire entre lui et moi et je gage qu'il préférerait une pécheresse comme moi à tant de bons bigots de tous bords qui ont semé le sang et le désespoir. Et s'il n'existe pas, ce qui ne me dérangerait pas davantage, quel malheur de faire des guerres, de s'entretuer et de s'empêcher de vivre heureux pour une illusion ! 

 

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27 août 2012 1 27 /08 /août /2012 23:08

 langues.jpg« Allumez le gaz et faites revenir dans l’huile » devient un lapidaire mais encore compréhensible « Ouvrir l’huile et frits », après passage par trois ou quatre langues via un logiciel de traduction tandis que : « Caressez-moi le clitoris, Jean, et je vais jouir » se transforme, après passage par l’anglais, le japonais, le russe et l’allemand, en : « J’aime les jeans caressant le clitoris. » Sachant que « Le jeune homme au téléphone » a été traduit aux Pays-Bas et « Les latitudes amoureuses » au Japon, je me demande quel étrange érotisme a été proposé aux lecteurs hollandais et nippons si l’éditeur a fait  l’économie d’un traducteur, un vrai! Plus réjouissant encore, l’exemple cité par Alex Taylor dans son délicieux ouvrage « Bouche bée, toute ouïe », qui partant d’un sérieux « L’esprit est consentant mais la chair est faible » aboutit, à « La vodka est bien mais la viande laisse à désirer.» Lisez cet ouvrage, il informe plus sur les relations entre les peuples que bien des manuels d’ethnologie, de façon mille fois plus drôle...

Les langues sont en effet la génétique d’un peuple,  et comme la génétique, beaucoup moins simpliste qu’on ne l’imagine. De même qu’un gène= une maladie a été battu en brèche par certaines maladies qui ont besoin de plusieurs gènes pour s’exprimer, ou par l’anomalie d’un seul gène donnant naissance à des pathologies différentes, un mot= un mot est une vision étriquée de l’art ô combien subtil de la traduction. Lorsque nous ne disposons que du verbe « aimer » pour exprimer la passion amoureuse, l’affection pour nos proches et nos amis ou le goût pour le chocolat, les Grecs, entre autres, disposent de plus de 10 mots pour exprimer les différentes formes d’attachement. Pour refuser nous disons « non »ou au mieux, faisons nôtre l’adage : « Quand un diplomate dit « oui », cela veut dire « peut-être », s’il dit « peut-être » cela veut dire « non », et s’il dit non… ce n’est pas un diplomate. Pour une femme du monde, c’est le contraire. » Au Japon, il y a tant de façons délicates de refuser, qu’un livret s’intitule : Japon : 16 façons de dire « non ».

dos_a_dos.jpgTraduire, ce n’est pas simplement rendre compréhensible un texte, c’est aussi en exprimer l’âme, le style, la couleur… qui diffèrent selon les langues et les peuples,  n’en déplaise aux tenants de la mondialisation qui voudraient tout uniformiser en faisant fi des « exceptions culturelles ». Est-ce un hasard, ou l’expression de ce qu’on appelle la démesure et le romantisme slave, s’il existe un mot en Russe, « toska » exprimant selon Nabokov « une angoisse spirituelle dans tout ce qu’elle a de profondeur désespérante qui vient de nulle part » ? Si les Tchèques désignent sous le nom de litosht « un état tourmenté qui surgit lorsqu’on se rend compte de sa propre misère, agrémenté d’une bonne dose de remords et de deuil. » (Kundera) Le sentiment, en somme, d’un homme venant de tuer ses deux parents et réalisant qu’il est orphelin… Quel logicien saurait trouver la périphrase adéquate pour exprimer de si complexes états d’âme ? Et quid de la saudade Brésilienne : « la saudade …exprime un mélange de joie et de tristesse… C’est par exemple le sentiment qui envahit l’âme d’un paysan contemplant sa maison emportée par le fleuve un jour de cyclone. Il est triste pour la maison, mais la fureur du torrent est si belle, la violence du vent si enivrante… «  (Jouer au monde, p.92, décidément il y a tout dans ce livre J )

J’ai récemment relu les « Chroniques de San-Francisco » de Armistead Maupin, grand succès des années 80. Certains volumes m’ont captivée, d’autres me sont tombés des mains. En y regardant de plus près, je me suis aperçue que seul le changement de traducteur les avait rendus imbittables,  à cause d’expressions mal traduites et de « mot à mot » qui alourdissaient le texte et la lecture. Le traducteur était-il incompétent ? A-t-il cédé à la facilité en  utilisant un logiciel sommaire ? Ou a-t-il travaillé trop vite, compte-tenu de la somme ridicule proposée pour ce travail ?

revenge.jpgUne faute d’interprétation, culturellement regrettable en littérature, peut être catastrophique pour un mode d’emploi ou un ouvrage technique, un discours politique mal traduit peut conduire à un malentendu et le malentendu à la guerre… . C’est dire si l’art de traduire est important. Pourtant, les traducteurs  ne disposent d’aucune sécurité ni régularité d’emploi, ils n’ont droit ni au chômage ni aux congés payés et ne peuvent revendiquer aucun tarif syndical minimum, soumis qu’ils sont à la loi de l’offre et la demande. Or l’offre se fait d’autant plus rare que les éditeurs de textes acceptent des traductions informatisées approximatives. Les traducteurs sont de « nouveaux précaires », comme nombre de travailleurs intellectuels. On rogne sur les frais d’adaptation, mais aussi les frais de correction, en demandant aux auteurs de relire et corriger eux-mêmes leurs manuscrits (« il y a des logiciels formidables pour ça, vous savez… ») alors qu’un auteur est si imprégné de son texte qu’il finit par le lire en diagonale, à le deviner plutôt, au détriment de l’œil de lynx nécessaire pour traquer la moindre coquille ou faute de ponctuation. Résultat : les livres sont de plus en plus truffés d’erreurs. De plus, aucun logiciel ne vérifie si une phrase est claire alors qu’un correcteur professionnel prend son téléphone et demande à l’auteur s’il a réellement voulu dire ceci ou cela, en lui suggérant au besoin une formulation plus précise.

Les articles de presse en ligne sont souvent mal construits, peu écrits et documentés essentiellement par un copié/collé de wikipédia ou autre source. Paresse intellectuelle ? Oui, parfois, mais aussi- surtout- parce qu’au tarif actuel des piges, le journaliste en ligne doit « écrire au kilomètre » pour gagner sa vie. Au détriment de la qualité. Quant au photographe de presse, c’est une espèce en nette diminution en raison des banques de données photographiques qui permettent à tout média de s’approvisionner à moindre coût sans repayer de droits à l’auteur, rémunéré au forfait. C’est ainsi qu’on voit partout les mêmes clichés, éventuellement bidouillées par un infographiste. 

funambule.jpgCe sont des centaines d’emplois qui disparaissent, des milliers de travailleurs intellectuels qui vivent dans la précarité, avec des angoisses de fins de mois et de chômage. Tout ceci dans l’indifférence générale au motif qu’ils ont la chance de faire un boulot intéressant…  Au motif, aussi, que la culture n’est pas la priorité des gouvernants et qu’il est médiatiquement moins porteur de s’inquiéter du devenir de la culture que de « sauver l’automobile », alors même que la fin du pétrole est proche et que toutes les enquêtes montrent que la violence augmente quand le niveau d’éducation et de culture diminue.

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 17:41

homm_riche.jpgQuand j’étais gamine, quantité de mes camarades n’avaient jamais pris l’avion ni vu la mer. L’avion, c’était un rêve, le luxe absolu réservé à quelques privilégiés. On offrait aux passagers, choyés comme des nababs, des valises ou des trousses de toilettes somptueuses aux armes de la compagnie aérienne. Les hôtesses  triées sur le volet- à l’époque on leur imposait curieusement d’être célibataires- ressemblaient à des top models et faisaient rêver les petites filles, alors qu’aujourd’hui  toute gamine sait que c’est un boulot de serveuse  dans un étroit couloir, même si la formation en langues étrangères et en secourisme est extrêmement pointue.

Depuis, l’avion s’est largement démocratisé, mais les compagnies aériennes continuent à s’adresser aux passagers- par le biais de luxueuses revues sur papier glacé- comme s’ils étaient richissimes, menant une vie de luxe et de volupté loin du commun des mortels. Leur style et leur langage sont un trésor d’euphémismes et de snobisme, que l’on retrouve d’ailleurs dans certains hôtels chics ou spas,

comme ceux que j’ai observés au cours de mes pérégrinations journalistiques, et certains magazines de mode… ou pas. Cela mérite bien un lexique.

VIE SOCIALE

Un lieu incroyable, hors du temps (à propos d’un restaurant). 1. Un petit resto traditionnel et pas cher du tout. 2. Un établissement luxueux sur une plage privée à 20 000km de Paris.

Une œuvre minimaliste fondamentalement conceptuelle : un foutage de gueule très bien coté au marché de l’Art

Quelques gouttes de fraîcheur pour sublimer une simple salade : remplacez le vinaigre par du jus de citron.

Mon inspiration vient d’émotions sensorielles (artiste) : je fais ça à l’instinct, sans aucune formation artistique.

Les élites économiques… le commun des mortels (Obs du 14 juin) : les riches… les autres

Argument populiste : le fait de rappeler que certaines fortunes sont indécentes quand des millions de gens vivent avec un dollar par jour.

Vos indignations juvéniles sont charmantes : pfff… gauchiste à 50 ans…

Nous sommes entre gens de bonne compagnie : évitons de parler politique, nous risquerions de nous fâcher

Mes filles adorent la modernité : mes filles me ruinent en gadgets hi-tech

Ma femme aime les belles choses : elle fait exploser la carte bancaire dès qu’elle entre dans une boutique

Ce it bag plébiscité par les it girls les plus trendy  est un must have chez les fashionistas : voilà le sac à la mode.

C’était une formidable aventure humaine (comédien) : on vient de tourner un film dont on espère qu’il va cartonner.

J’ai eu envie de prendre des risques, de me mettre en danger (comédienne) : j’ai  joué ma première scène de nu.

Trop d’impôt tue l’impôt : quelle idée de supprimer les niches fiscales !

On vit une période d’inquisition : j’ai un contrôle fiscal sur le dos

J’ai choisi un pays à régime fiscal attractif : j’ai délocalisé dans un paradis fiscal

L’insécurité règne dans les rues même en plein jour : il y a de plus en plus de SDF

VIE PRIVEE

Je suis sûr que vous êtes une femme très libérée : vous allez coucher avec moi, n’est-ce pas ?

bar.jpgMon épouse est très compréhensive : je la trompe énormément

Mon aînée s’est entichée d’un artiste : son mec a les cheveux longs et gratte la guitare

Olivia est une très bonne amie: nous ne sommes plus amants

J’adore les femmes : je saute sur tout ce qui bouge

Il faut mettre du piment dans la vie de couple : nous pratiquons l’échangisme

Sur le plan sexuel, je me suis bien assagi : ma prostate fait des siennes

J’ai arrêté de fumer et je mange bio : j’ai peur d’attraper un cancer

Je suis allée me ressourcer quelques jours : j’ai passé le week-end chez mes parents

Je suis parti de rien : 1. Mon père n’avait pas de fortune personnelle. 2. Je n’ai fait aucune étude

Vous avez l’air si heureuse : ma vie me fait de plus en plus chier.

En primaire, je fréquentais la communale du village : je ne suis pas aussi snob que vous l’imaginez

Coltan-les-mines-de-lenfer2-copie-1.jpgTerminons par deux extraits piochés dans Air France magazine, rubrique  « le monde en brèves » qui montre quelles sont les nouvelles essentielles dans cet univers parallèlele ciel est le plus bel endroit de la terre, comme dit la pub :

« 23000 personnes supplémentaires posséderont un patrimoine de plus de 100 millions de dollars US d’ici 2016. »

« Lagos s’offre le luxe : malgré la pauvreté et la violence, le Nigéria a développé une industrie du luxe grâce à sa manne pétrolière. D’ici 2020, (la ville) devrait atteindre un niveau de consommation d’environ 25 milliards de dollars. Auparavant, les élites économiques Nigérianes  devaient aller faire leur shopping à Dubaï. »

 

avion.jpg

 

 

 

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 12:29

village-hydra.JPGY… serveur Albanais marié en à une grecque : depuis 15 ans, je regarde vivre les Grecs et je sais ce qu’ils pensent. Ils sont OK pour bosser dur, mais ils veulent  garder ce qu’ils gagnent. Ils disent que l’argent, c’est pour eux et leur famille, pas pour l’Etat et les fonctionnaires corrompus, mais la corruption vient aussi d’eux.  Dans ce pays, il y a énormément d’argent, mais personne ne veut payer d’impôt, pas seulement les armateurs et l’Eglise, toutes les professions privées. Pour eux, l’Etat est une charge… mais on lui demande de faire des routes, des écoles, des hôpitaux… et on râle quand ça ne marche pas bien. Maintenant, on demande aux Français et aux allemands de payer pour la Grèce, mais pourquoi paieriez-vous pour ce pays alors que les Grecs ne veulent pas payer pour lui ? (Je lui explique que ce n’est pas par bonté d’âme, mais parce que les banques françaises et allemandes seraient à leur tour en grande difficulté si la Grèce sortait de l’Euro).  Je pense que Nouvelle Démocratie et le Pasok ne vont pas arriver à gouverner ensemble, ils sont adversaires ! D’ici un ou deux ans, ce sera le chaos politique, avec de nouvelles élections et peut-être l’arrivée d’extrémistes au pouvoir.

port hydraC, commerçante française mariée à un Grec : « Jusqu’à il y a deux ans, j’étais la seule de l’île à reverser la TVA aux impôts. Les autres la facturaient aux clients mais ne la reversaient pas. Payer des impôts, c’est très mal vu par les commerçants, les professions libérales et les plus riches. Ils considèrent que l’école et les hôpitaux publics sont mauvais- faute d’argent pour les financer- mais comme ils envoient leurs gosses en école privée, peu leur importe. Les seuls vrais contribuables sont les fonctionnaires, qui sont prélevés à la source. C’est donc une hérésie de réduire le nombre des fonctionnaires et leurs salaires, ce sont les seuls travailleurs qui entretiennent les finances publiques ! La crise a commencé ici bien avant 2008, avec les JO de 2004. C’est dantesque ce que les entreprises ont touché comme pots-de-vin pour mener à bien les travaux, parce que l’Etat Grec ne voulait pas déchoir face au reste du monde. Vous vous souvenez comme on disait à l’époque que rien ne serait prêt à temps, qu’un si petit pays ne pouvait pas faire face… Je suis surprise que Syriza n’ait pas gagné les élections car autour de moi, je ne voyais que des gens prêts à voter à gauche, et les journaux annonçaient sa victoire, en prédisant la faillite du pays dès le lendemain des résultats. A moins  les sondages aient été une manipulation… Un mois avant les élections, 500 à 700 millions d’euros ont quitté la Grèce chaque semaine pour l’étranger. A tel point que la dernière semaine, plus personne n’acceptait la carte bancaire, on avait trop peur que les sommes ne soient jamais créditées en cas de faillite du système bancaire.

hora le soirX… ingénieur des Mines Suisse. « J’ai passé une part de ma vie à mettre en relation les ingénieurs et les géologues, vu que les premiers feraient moins de bêtises s’ils écoutaient les seconds, mais que les seconds parlent un langage que les premiers ne comprennent pas. Beaucoup de conflits viennent de différences culturelles, y compris la crise européenne. J’ai travaillé 25 ans en Grèce pour y trouver de l’eau douce à l’aide de forages et de barrages en terre,ma spécialité. J’aime tant ce pays, que j’étais prêt à y bosser au tarif « femme de ménage ». (On le payait 18 euros de l’heure, les femmes de ménage suisses sont mieux payées qu’en France…) « Savez-vous qu’en Grèce ancienne, comme chez les musulmans, le prêt à intérêt était immoral ? Vouloir multiplier l’argent à partir de l’argent, c’était se prendre pour un  Dieu, donc mal. L’entrée dans l’Europe et l’Euro les a fait basculer dans la culture de la finance et de la spéculation.  Certains Grecs y ont fait fortune, sans réaliser que cette économie là obéissait à une logique et à des règles très différentes de leurs habitudes…» -Pourquoi la Banque européenne a-t-elle choisi un Suisse pour un projet européen plutôt qu’un ingénieur de l’U.E : « Parce que l’Europe manque d’ingénieurs « de terrain ». Les besoins sont immenses pour construire de grands ouvrages, alimenter les peuples en eau douce, construire de façon écologique… et on ne trouve plus assez d’ingénieurs parce que depuis quelques années, les meilleurs d’entre eux préfèrent se tourner vers l’informatique ou la finance. L’informatique, Internet, c’est évidemment très utile, mais ils est indispensable de se confronter au terrain pour comprendre les choses.»

P1010376.jpgDirecteur d’hôtel au Pirée : Je suis content que les partis de droite s’allient pour gouverner ensemble. (Je lui fais remarquer que le Pasok, en principe, est socialiste, il se reprend). Euh… Je crois qu’il faut oublier ces histoires de gauche et de droite pour sauver la Grèce. Nous avons des opportunités, des atouts, mais le gouvernement ne doit pas, comme le voulait Syriza, augmenter les taxes et les prix. Si on nous augmente les charges, on ne peut plus vivre ! Si les petits commerçants doivent payer des impôts, pareil ! On paye déjà beaucoup trop de taxes. Alors bien sûr, il y a des fraudeurs, des gens exemptés d’impôts… laissons les, ce n’est pas grave. Ce qu’il faut, c’est que le gouvernement travaille pour fournir au pays de bonnes routes, des écoles, des hôpitaux, pour que la Grèce soit attractive pour les investisseurs. Voyez-vous, notre problème, ce sont les immigrés : les Albanais, les Irakiens, Iraniens, Pakistanais… Ils envahissent Athènes et nuisent à notre sécurité. Ici, on n’a pas de bons immigrants, que de mauvais immigrés.

Non, je n’ai pas voté pour Nouvelle Démocratie, j’ai voté pour un autre parti de Droite…

 

adiamantis2

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 11:48

vote2.JPGvote1.JPGDimanche 17 juin, le vent est si fort que je renonce à nager et vais traîner vers l’école où votent les Grecs.  Pas mal de monde, ils ont du mérite car beaucoup ont dû revenir d’Athènes où ils travaillent pour voter sur leur lieu d’origine, le vote par procuration n’existe pas en Grèce. Je leur en ai parlé, ils étaient ébahis… et envieux. A la sortie les gens discutent.  Un jeune dit que Nouvelle Démocratie (ND, genre UMP) reste favorite, avec une forte poussée de Syriza (genre Front de Gauche). Il craint un « 3ème tour social » si ND gagne, mais davantage encore la victoire de Syriza, dont tous les journaux affirment qu’elle se traduirait par la faillite bancaire dès le lendemain.  Sans oublier le risque de coup d’état militaire, les Grecs gardent en mémoire la dictature des colonels qui ne date que d’il y a 40 ans. « Les Grecs sont inquiets, mais ils n’ont pas encore réalisé l’ampleur de la crise, ou plus exactement, ils ne savent pas comment s’en sortir, il y a 4 ans qu’ils font des efforts, sans résultat. »

syriza.JPGFinalement, Nouvelle démocratie est en tête suivie de Syriza à deux points et demi d'écart, mais comme en France, le découpage fait que ND aura dans les 133 sièges, Syriza 72 et le Pasok une quinzaine.  Pas d'accord possible entre les deux premiers, ce serait demander au Front de gauche de rallier l’UMP… Au Pirée, manif une heure à peine après les résultats définitifs : flics casqués, pluie de tracts  (un centimètre d’épaisseur sur la chaussée) odeur de gaz et de fumée, pompiers… Le lendemain à la place d’une bijouterie de luxe, il y a un trou noir et des débris calcinés. Cocktail molotov, incendie accidentel ? Le 18 au Pirée, je vais à Marina Zea, l’autre face de la Grèce. Luxe et volupté, beaucoup d'enseignes étrangères, des banques, des yachts portant souvent pavillon anglais ou allemands (les Allemands adorent la Grèce, elle en est truffée) De blondes Grecques nagent dans la baie magnifique comme dans une piscine privée.

taverne2 hydraFin des vacances avec deux jours à Hydra, sur la mer Myrtoo entre les golfes Saronikos et Argolikos. Maisons de pierre à étages et toits de tuiles rouges, style italien, histoire entre marins, révolutionnaires, militaires et artistes … C’est là que Léonard Cohen acheta une maison dans les années 60 et vécut avec Suzanne, qui d’ailleurs revient régulièrement dans l’île.

croisiere-hydra.JPGane hydraLe front de mer aligne des yachts de toutes tailles, sans oublier les énormes bateaux de croisière qui embarquent quelques centaines de touristes pour, en une journée, « faire » Egine, Poros, Hydra et Spetses. Une heure dans chaque île, le temps de parcourir deux ou trois ruelles en soupirant « Quel calme, que c'est beau! » faire des photos puis du shopping dans les innombrables bijouteries de l'île, tandis que les hommes sirotent un ouzo ou une bière sous l'auvent d'un des cafés qui bordent le port. Rien à voir avec l'aridité enivrante des Cyclades et les petits cubes bleus et blancs. Il suffit pourtant de rester un jour de plus et d'aimer marcher pour découvrir, un peu en hauteur, des paysages magnifiques et de vieux grecs souriants qui rappellent ceux décrits dans « l’Eté Grec ». Hydra est une île sanscvoitures, on s'y déplace à pied, en bateau ou en âne. 

chats-hydra.JPGFinalement, Nouvelle Démocratie et le Pasok vont faire alliance pour gouverner. Ca correspond à peu près à l'UMP/PS. Cette union nationale avait été proposée par Papandréou (Pasok) il y a un an, Nouvelle Démocratie avait refusé, Samaras voulait des élections. Aujourd’hui, il l’accepte. Parce qu’il a vaincu le Pasok. Pour la petite histoire, c’est aussi une question d’hommes : Papandréou et Samaras étaient cothurnes à l’université et sont en rivalité personnelle depuis lors… Voilà ce qui s’appelle perdre bêtement un an. Le paradoxe est que le peuple Grec ait confié à ND/Pasok le soin de sauver le pays, alors que ce sont ces deux partis qui l’ont conduit au désastre : ND entre 2004 et 2009, le Pasok ensuite. On prend les mêmes et on espère ne pas recommencer ? Certes, près de plus de 26%  des Grecs ont voté Syriza, mais la majorité préfère reconduire  ceux qui ont failli  parce qu’elle les connaît. Le vrai changement, c’est pas maintenant.

musee-orthodoxe-copie-1.JPGOr, pour sortir des crises économiques, écologiques et morales qui secouent la planète depuis plusieurs années, mettre des rustines ne suffit plus. Il faut changer de logique économique et de mode de vie, mais ça fait diablement peur au plus grand nombre. Le  sommet de Rio+20 le montre: devant l’urgence écologique, il est une fois de plus urgent de ne rien faire. On en crèvera, chacun espérant passer entre les gouttes, soit en mourant avant la cata finale, soit en survivant au détriment des autres. Pessimiste, moi ? Oui, résolument, dans une analyse globale de l’humanité. Mais non, tout aussi résolument, grâce à des rencontres lumineuses qui préservent ma foi en l’humain. 

 

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25 juin 2012 1 25 /06 /juin /2012 12:37

acropole2D’où vient que fière de ses origines, sa mythologie, l’invention de la démocratie et ses philosophes antiques… mais aujourd’hui ruinée, corrompue, divisée, abîmée, la Grèce si précaire garde un charme éternel ? Que tant de Français, Allemands, Italiens, Danois… la considèrent comme leur seconde patrie, y achètent des maisons (faisant malheureusement exploser les prix…)  et envisagent parfois d’y vivre à la retraite ? Par quel sortilège des étrangères ayant épousé des Grecs ni spécialement sexy, ni particulièrement attentionnés, avouent-elles être tombées amoureuses de la Grèce plus que de leur Grec ? Un pays aussi séducteur mérite qu’on se penche sur ses vertus, ses vices étant abondamment analysés par ailleurs J.

 

 

mega livadiIl y a le ciel, le soleil et la mer, mais on les trouve sous bien d’autres latitudes. Il y a évidemment les vestiges antiques, mais on en trouve aussi en Italie, les Romains ayant d’ailleurs largement empruntée à la culture Hellène. Il y a des criques sauvages embaumant les herbes aromatiques, comme en Corse ou en Croatie. Une nonchalance presque orientale (comme en Turquie ai-je envie d’écrire au risque de me faire écharper par les Grecs, outrés qu’on évoque l’ennemi séculaire à cause duquel l’Etat dépense des fortunes en armement). C’est un pays où tout arrivant se voit offrir un verre d’eau fraîche, où les habitants des îles se chargent eux-mêmes de l’entretien des sentiers des collines, dont ils blanchissent chaque année les marches à la chaux, où l’hospitalité fait partie des traditions. J’en ai déjà parlé ici. Il existe en Grèce des influences de l’Est, Eglise orthodoxe et intonations rugueuses plus proches des Balkans que des sonorités méditerranéennes. Plus une certaine réserve, bien différente des épanchements méridionaux.

folegandrosLes Grecs ont le goût des discussions politiques, partagé avec les Français (une douzaine de quotidiens sur papier !) et une passion pour le foot, partagé avec la planète entière: chaque soir, les tavernes proposent un écran géant pour suivre les matches de l’Euro 2012. On évoque même des références plus lointaines, quasi africaines, à la vue de certains camions délabrés mais toujours en service, ou d’un papa à moto, tenant son fils sur les genoux sans que l’un  ni l’autre ne portent de casque. Je ne dis pas que c’est bien, je dis simplement qu’on se sent en Grèce à la fois proche et dépaysé, ailleurs sans être perdu, et séduit par de multiples facettes qui expliquent en partie pourquoi il est si difficile d’imposer à ce pays les critères uniformes de l’Union Européenne, comme l’expliquait déjà Yannis en 2010.

Pêche locale poulpesoursinskoutalas3En à peine plus de dix ans, le mode de vie a été bouleversé. Lorsque j’ai découvert Serifos, en 1995, il n’y avait aucune banque sur l’île, on changeait les francs en drachmes à la poste, à l’épicerie ou à la bijouterie, à des taux variables, que le commerçant arrondissait toujours en faveur du client si le chiffre ne tombait pas rond. Autant dire que la comptabilité de la Poste, seul service public local, devait être des plus fantaisistes… Dans les îles, la majorité des routes n’étaient pas goudronnées, quelques-unes grossièrement cimentées. Il y a à peine 30 ans, il n’y avait ni cadastre ni permis de construire en Grèce, donc pas de spéculation immobilière, on trouvait une foule de tavernes servant aubergines farcies, Tzatziki et autres délices de la cuisine grecque, et pas de Mac Do. Aujourd’hui, notamment dans les grandes villes, il y a plus de fast food proposant des sandwiches, burgers, glaces et boissons sucrées que de tavernes. D’où une flambée d’obésité chez les enfants et les jeunes, et une montée des maladies qui vont avec, alors que les Grecs, jusqu’en 1999, étaient, malgré la cigarette et la pollution, le peuple européen le plus épargné par les cancers.

marina zeaL’entrée dans l’Euro, puis les Jeux Olympiques de 2004 ont transformé une économie quasi autarcique en économie mondialisée. L’économie est comme la guerre : il y a ceux qui la décident et ceux qui la subissent. Les élites économiques et politiques du monde entier se comprennent : ils font les mêmes études, parlent la même langue et ont le même mode de vie « cosmopolite et luxueux », qu’ils soient en Allemagne, en France, aux USA, en Chine, au Brésil ou en Grèce. Leur idée du développement est identique : libre concurrence, le moins d’Etat, de fonctionnaires et d’impôts possibles et le plus de profit à court terme. Un modèle efficace, qui a permis à d’immenses fortunes de se constituer. Avec l’aide de la spéculation, de la corruption, et de la fraude fiscale. Et avec d’autant plus de facilités en Grèce que sur un territoire  comprenant, outre le « continent », 250 îles habitées et moins de 12 millions d’habitants, contrôler ce qui se fait ici ou là et taxer ce qui doit l’être relève de la mission impossible… surtout quand manque la volonté politique. Comme partout, la crise économique a généré une classe de « nouveaux riches » qui ont su, comme on dit, profiter des opportunités. Ces dernières années, les boutiques et constructions de luxe se sont multipliées, en même temps que la défiance pour les pauvres et les immigrés. J’ai vu apparaître des chiens de garde là où il n’y avait que des chats, et des discours fustigeant les Albanais, forcément voleurs et dangereux. Le nombre de mendiants à Athènes devient impressionnant, générant le fameux « sentiment d’insécurité » qui fait le lit de l’extrême droite. « Aube Dorée », le parti néonazi, règne dans certains quartiers que ses partisans veulent « nettoyer ». Mais curieusement, les medias ont davantage alarmé les citoyens sur le danger représenté par Syriza, le parti de gauche (à peu près analogue au Front de gauche chez nous).

planche a voilePour la majorité des Grecs, qui ne sont certes pas tous des contribuables vertueux, loin s’en faut, la crise économique est une formidable désillusion : les politiciens leur avaient vendu l’Europe et l’Euro comme la clé de la prospérité, ils se retrouvent plus pauvres qu’avant. Ou plus exactement plus dépendants qu’avant. La décennie qui vient de s’écouler a certes vu les routes se goudronner, Internet arriver partout, les îles se couvrir de boutiques et de banques, les services publics se multiplier, puis décroître face à la dette publique,  mais au final beaucoup de Grecs se sentent floués, moins heureux qu’avant, vivant au jour le jour et humiliés par ce qu’on dit d’eux à l’extérieur, par les menaces de « tutelle » et par l’angoisse de l’avenir, eux qui ont un si glorieux passé. La crise est culturelle autant qu’économique.

horaP1010369.jpgL’art de vivre Grec, empruntant à l’esthétique autant qu’à la simplicité, a fait la beauté des statues et des maisons Cycladiques, il procure un sentiment de plénitude à la vue d’intérieurs harmonieux sans tape-à-l’œil et de paysages éternels, tout comme la langue grecque a su conserver des mots intacts depuis plus de 3000 ans ainsi que l’a écrit Jacques Lacarrière. Cette plénitude un peu pompeusement appelée « authenticité » par les touristes est celle après laquelle courent les citadins stressés, tout en souhaitant néanmoins disposer, comme en Grèce, de douches propres et de plats qui ne leur filent pas la tourista. C’est elle qui faisait dire aux étrangères mariées à des Grecs : « Voici un pays où on peut être heureux sans être riche ». C’est peut-être en la retrouvant qu’il se redressera. Au- delà des inquiétudes légitimes et de la nécessité d’assainir l’économie, il serait essentiel de s’attacher aux atouts et aux valeurs qui peuvent sauver ce pays, tout comme en France le « modèle social » et le rejet par les citoyens des excès de la mondialisation ont permis d’amortir les effets les plus délétères de la crise financière.

 

koutalas

 

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 15:58

cafepiree5C’est un café  pas comme les autres, que j’avais inscrit au Panthéon de mes petits bonheurs de vie : « Un café frappé à 4h du matin au Pirée. » Bonheur à l’aller, quand après le vol Paris/Athènes et l’heure de trajet du bus 96 de l’aéroport jusqu’au Pirée, on arrive un peu hébété sur le port pour découvrir qu’il faut patienter deux heures, parfois plus, avant le départ du ferry pour l’île de son choix. Bonheur au retour quand on débarque à l’aube au Pirée avec la perspective d’un vol passé midi.

cafe piree1Ce café ombragé par des lauriers-roses était un havre, avec une quantité incroyable de tables et de chaises à l’extérieur comme à l’intérieur, plus tous les services qu’un voyageur peut espérer : boissons et grignotages, Internet à tarif étudiant, toilettes propres avec douches, téléphone et consigne pour les bagages, y compris les sacs à dos si souvent aujourd’hui rea non grata (choses non bienvenues), à croire que dans ce monde aseptisé les backpackers, les routards donc, doivent être éliminés du paysage non pas de façon brutale mais doucereuse, en leur faisant notamment moult complications à l’aéroport pour enregistrer leur bagage, qu’ils doivent enfermer dans un grand sac en plastique ou ligoter bien serré, au motif que « toutes ces courroies, mon Dieu, ça peut coincer les tapis roulants ». Ils s’en aperçoivent après 50 ans de voyages de backpackers partout à travers le monde !!! (petite parenthèse : merci à l’Australie, continent si ouvert aux voyageurs en sac à dos, qu’on trouve dans n’importe quelle petite ville une auberge appelée non pas « de jeunesse » vu qu’elle héberge tous les âges, mais « backpackers » vu qu’elle est particulièrement accueillante aux voyageurs en sacs ados, ceux qui toute leur vie gardent au cœur une part d’adolescence).

cafepiree4Pour en revenir à ce café qui recèle mes souvenirs de quinze ans de voyages en Grèce, d’aubes incertaines aux doigts de rose caressant de tendres traînées le ciel céruléen, de musiques lancinantes dont la seule écoute gommait tout stress tandis que m’envahissait la certitude que j’étais là où je devrais toujours être pour être en bonne santé- à deux pas de la mer avec tout le temps qu’il faut- j’eus ce 6 juin un sursaut de bonheur : l’embarcadère n° 9  d’où partait le ferry Adamantios Korais se trouvait à deux pas du mythique café dont j’apercevais à quelques mètres les lauriers fleuris doucement bercés par une brise meltémique, et à deux mètres au-dessus des grilles l’inscription étonnante : « la consommation n’est pas obligatoire ». Faut vous dire, monsieur, que dans ce pays de mer et d’îles, le port est un service d’Etat. Bien sûr, ça aide si vous consommez, mais si pas, vous êtes tout de même bienvenu et l’Etat subventionne le service public, comme dans toute démocratie.

cafepiree3J’ai franchi la grille ouverte avec un sentiment curieux : pas une seule chaise dans le jardin fleuri. Un coup d’œil à travers la porte vitrée : vide, avec des vestiges de vitres réfrigérées et quelques chaises empilées. A l’étage, un homme lave mélancoliquement le sol de la terrasse, seul. Le café géré par l’Organismos Limenos Piraiôs (autorité du Port du Pirée) a fermé, crise oblige. Je suis donc allée acquérir deux petites souvlaki (brochettes marinées) et une bière dans un kebab un peu miteux : 4,30 euros pour le tout, moins cher qu’un café au Fouquets J aurait dit NS en pensant que le Grec a sans doute un SMIC  très bas, mais des prix également très bas. Si ce n’est qu’en scrutant le ticket de caisse, j’ai vu le taux de TVA : 23% contre 19,6% en France. Les Grecs ne paient pas tous leurs impôts directs, qu’ils soient évadés fiscaux ou légalement défiscalisés, mais les consommateurs paient la TVA au prix fort et on n’en parle jamais, alors que cet impôt est le plus pénalisant pour les revenus modestes.

Dans le jardin du café disparu, j’ai dégusté mes brochettes à l’ombre des lauriers en fleurs. Allongés sur un muret, des SDF siestaient, canettes vides en pagaille autour d’eux… Ils avaient mis du linge à sécher sur un fil tendu entre deux branches. L’un d’eux s’est levé, a pissé sous un arbre. Bientôt l’endroit sera devenu zone malodorante. Ce sera le moment pour les promoteurs d’acheter pour une bouchée de pain ce bâtiment si bien situé et de le transformer en bureaux ou bar branchouille. La mondialisation y trouvera son compte, l’âme du Pirée beaucoup moins, mais on sait déjà que "ce port du bout du monde que le soleil inonde"

n’appartient désormais que très peu aux Grecs et beaucoup plus aux Chinois.


P1020612.JPG


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