Plusieurs lectrices et lecteurs se sont étonnés que « le guide des amours plurielles » ne soit pas vendu dans les Relay des gares et aéroports, comme mes autres titres. Après « enquête », c’est une question de collection : Relay me suivait dans la collection de littérature érotique, pas dans celle des essais (à l’exception de « Aimer plusieurs hommes » qui était une réédition après parution aux éditions la Martinière).
Bonne nouvelle : les Relay vont finalement vendre « Le guide…. » et feront une mise en place d’autant plus large qu’il sera demandé. N’hésitez donc pas à le réclamer si vous ne le voyez pas, car hormis les éditeurs rompus aux techniques de fabrication de best-sellers, les autres ne soutiennent que ce qui se vend, le succès va au succès… Petite parenthèse : le démarrage fulgurant du Guide conditionnait la réédition de « Aimer plusieurs hommes ». Je viens d’avoir confirmation qu’il ne sera pas réimprimé… sauf surprise sur le Guide dans les mois à venir, ce qui peut arriver. Ainsi de février 2003 à juillet 2003, « Des désirs et des hommes » avait fait des ventes plus que modestes. En juillet, était-ce lié à la canicule qui chauffait les libido ?- ce livre s’est bien vendu. Du coup, il a été exposé largement, ce qui a boosté les ventes, qui se poursuivent encore aujourd’hui, en faisant mon unique mais réel « best-seller ».
Pourquoi ce titre plutôt que les autres ? Mystère. Quand il m’arrive de relire ces pages, je trouve « Les latitudes amoureuses » aussi érotique et plus dépaysant, avec une histoire mieux construite. « Autres désirs, autres hommes » est un recueil de nouvelles, à mon avis plus variées et mieux écrites que « Des désirs… » Or il est loin d’avoir connu le même succès, alors que chaque histoire transporte dans un univers différent, que l’érotisme y est plus fort et plus vrai, et que les personnages sont infiniment plus touchants.
Et je ne parlerai pas de « Ce qui trouble Lola », j’ai déjà dit ici que c’était mon préféré… Ni de l'Algue fatale, pourtant thriller écologique, preuve que l'érotisme n'est pas mon seul territoire. :)
Donc, même vis-à-vis de mes propres écrits, je ne comprends pas « le goût des autres » comme dirait Agnès Jaoui. D’ailleurs, les autres sont-ils sincères lorsqu’ils parlent de leurs goûts ? Je ne cesse, ces temps ci, d’entendre des gens se plaindre de la médiocrité de TF1, France 2, M6… « Heureusement qu’il y a Arte et France 5 » soupirent-ils. Sauf que Arte et France 5 se traînent en queue de peloton pour les taux d’audience. Ceux qui me parlent de Arte et France 5 ne regarderaient-ils pas eux aussi les séries américaines sur les chaînes qu’ils dénigrent, sans oser l’avouer ?
Ne serait-ce pas les mêmes qui vous parlent avec fougue de la beauté du cinéma japonais et s’indignent du succès des « Ch’ti »… qu’ils sont allés voir comme des millions de gens ?
Idem pour les livres : il est de bon ton aujourd’hui de déplorer la fin de la « vraie littérature » et de considérer Marc Levy, Guillaume Musso, Anna Gavalda et Muriel Barbery comme des phénomènes de mode mais en aucun cas des écrivains. C’est vrai qu’on décèle dans leur façon d’écrire des « recettes », des ficelles, une utilisation visible des conventions des séries TV et des personnages qui créent l’émotion facile, un mélange habilement dosé de bons sentiments et de fantastique (comme dans Harry Potter, sauf qu’Harry Potter a une vraie complexité, des niveaux de lectures différents et une écriture très travaillée)… Il n’empêche que des milliers de gens lisent ces romans dits « faciles » et pourquoi la littérature devrait-elle être difficile ? Et qui dira ce qu’est la vraie littérature hormis la postérité ? Et encore, la postérité… Plus personne ou presque ne lit André Maurois et François Mauriac, dont la plume était pourtant celle d’écrivains authentiques. Certes ce ne sont pas les ventes qui font l’écrivain, mais un écrivain devrait aussi pouvoir vendre ses œuvres, ce qui est assez peu répandu. « On ne vit pas de sa plume » est un adage très actuel en France.
Ce qui caractérise les auteurs à succès- qu’on les trouve ou non talentueux- est une fois encore le marketing. Sur le site de Guillaume Musso- qui semble un gars sympa et surpris lui-même de son succès- on explique qu’il a été pris en main par un authentique fabricant de best-sellers, Bernard Fixot, dont la devise est en substance « peu importe ce que les gens lisent, du moment qu’ils lisent ». Recette du best : travailler les situations et les personnages comme un synopsis de téléfilm, créer de l’émotion, mixer une histoire d’amour avec du suspense et un peu de surnaturel, établir un lien entre l’auteur et les lecteurs via des séances de dédicaces et un site, et enfin accompagner chaque sortie d’un buzz organisé. C’est efficace, puisque Musso lui-même le reconnaît : « Mon premier roman s’est vendu à moins de 1700 exemplaires. » Depuis qu’il est marketé par Fixot, c’est du minimum 200 000 ex, et des adaptations au cinéma.
S’en indigner, pourquoi ? Après tout, ce sont les lecteurs qui choisissent ce qu’ils lisent. Tant qu’ils se laisseront influencer par le marketing et la pub, ils auront des produits formatés pour plaire au plus grand nombre. Mais rien ne les empêche de fouiner et d’acheter non pas le titre en haut de la liste d’Amazon (Des désirs et des hommes sur ma page) mais d’en lire un autre et de se laisser aller au plaisir de la découverte qui reste, quoi qu’on dise, le meilleur piment de la lecture. Comme tous les plaisirs, la littérature devrait être une exploration des rivages peu connus.