Au hasard, j'ai emprunté à la médiathèque "Dans la vraie vie", recueil de nouvelles dont les héros sont des trentenaires, fichue génération qui a l'air si toute tellement tristounette alors que les 20/25 redeviennent idéalistes et que les baby-boomers pètent la forme. Deux phrases expliquent leur blues:
"Je possède trois téléphones et je n'ai rien d'important à dire. Deux mille CD et pas le temps de les écouter. Un abonnement à un club de gym et la flemme d'y aller.... Alors voilà: heureux ou malheureux?"
"Il se produit un phénomène extrêmement grave dont personne ne semble avoir conscience: une génération est en passe de conquérir l'immortalité. Les progrès en matière de gérontologie sont si rapides qu'un processus de rajeunissement des personnes de plus de 60 ans est en train de se dérouler sous nos yeux. ... Alors que je n'ai même pas le temps de lire un livre, elles vont au théâtre, voient des spectacles de danse et se découvrent sans cesse de nouvelles zones érogènes. Ce sont les personnes les plus heureuses du monde."'
En deux phrases tout est dit: d'un côté l'abondance matérielle et la mélancolie des "enfants de la télé" , de l'autre la joie de vivre de ceux qui ont connu l'amour avec pilule et sans SIDA, le travail sans chômage, les fêtes sans couvre-feu ni alcootest à la sortie et l'ambition de faire un monde solidaire et généreux. Mâme si certains ont mal vieilli, la majorité de ceux qui ont eu de 14 à 18 ans en 1968 gardent le souvenir d'une adolescence festive où on discutait passionnément de tout et de rien, avec suffisamment de mauvaise foi pour ne prendre au sérieux aucun discours, où on abordait la vie comme un jeu, un melting pot d'idées folles, de musique, de métissages culturels et d'amours ludiques. Ce qui est autrement plus stimulant que de discuter de paquet fiscal et de taux de TVA sociale.
Une adolescence festive... c'est ce qui a dû manquer aux trentenaires.