Après moins d'une semaine, saturation totale de l’affaire DSK quand qu’il se passe mille choses plus importantes dans le monde! Si j’y reviens une ultime fois, c’est pour un coup de gueule: marre de l’obsession sexuelle des medias. Certains tabloïds américains, selon Internet, glosent sur le fait que l’inculpé aurait imposé à sa victime deux fellations et une sodomie. Tout ça en vingt minutes par un homme de 65 ans- décidément on ne prête qu’aux riches !- ça relève du fantasme pornographique plus que de la réalité. D’ailleurs, que cet homme tronche dans les 10 000 positions des femmes qui ont autant envie que lui m’importe peu, je suis loin d’être puritaine. Mais qu’il impose sa main sur le genou à une fille juste parce qu’il a du pouvoir et de l’argent, c’est insupportable ! Comme d’habitude, les medias se focalisent sur le sexe, alors que ce sont les dérives de comportement que génèrent l’argent et le pouvoir qui sont gravissimes. Les dérives mêmes que dénonce Hervé Kempf dans son excellent livre « L’oligarchie, ça suffit ! » Exemple, l’arrogance exprimée par Jean-François Kahn dans un raccourci terrible où il récuse l’accusation de viol en la requalifiant de « Troussage de domestique ». Ben voyons… une domestique, ça se courbe sur son aspirateur et ça offre sa croupe au maître qui lui fait l’honneur de son éminente Bite. Dans l’Ancien régime, ça s’appelait « droit de cuissage », et décidément l’instinct monarchique reste très vivace en France…
Quant à la Défense, elle affirmera ce que qu'affirmenttous les agresseurs : « Elle était consentante, Monsieur le juge. » Le pire est qu’ils en sont persuadés. Dans leur esprit, si une femme ne résiste pas jusqu’à se faire tuer parfois, c’est qu’elle est d’accord. Comme m’ont dit certains hommes : « Une fellation, c’est hyper dangereux pour le mec si la fille ne veut pas, elle peut la lui couper d’un coup de dents ! » J’avoue que je le croyais aussi… Jusqu’au jour où j’ai interviewé une infirmière victime de ce viol là. Je lui ai demandé pourquoi elle n’avait pas mordu son violeur. « Mais vous n’imaginez pas l’état de peur et d’humiliation qu’on ressent dans cette situation, la peur de mourir car on sait que l’homme surexcité est capable de nous étrangler, et le dégoût, l’humiliation si violente qu’on n’a qu’une idée en tête : en finir et qu’il s’en aille ! » Cette femme a eu la vie sauve, mais peur de sortir le soir et dégoût des hommes pendant des années… Ca ne s’efface pas comme ça, l’humiliation…
Journaliste, j’ai interviewé des hommes de toutes professions et milieux sociaux. Les seuls à avoir pensé que je leur appartenais après l’interview étaient des puissants. Professeur de droit constitutionnel célèbre, membre permanent de l’Assemblée, photographe, réalisateur de cinéma, artiste peintre, philosophe à la mode, écrivain… se croyaient autorisés à mettre leur main entre mes cuisses, à décréter « vous n’allez pas partir comme ça… » en fermant à clé la porte de leur bureau, à sortir leur sexe dressé après l’interview en demandant avec leurs mots exquis : « Suce moi ! », à s’étonner de mes refus: « Moi qui te croyais une fille libérée ! » ( oui, l’homme en rut tutoie… ) ou à m’inonder pendant des années de lettres grossières pour se venger de l’indifférence que j’éprouvais pour leur Phallus sacré. Je n’ai dû mon intégrité physique qu’à mon rejet absolu des attitudes de pouvoir, qui m’a aidée à ne pas avoir peur de leur testostérone en folie, ainsi qu’au fait que je n’avais aucune dépendance hiérarchique avec eux. Mais quid d’une femme éduquée dans l’idée que les hommes lui sont supérieurs ou qui risque de perdre son travail si elle ne cède pas ?
Grâce aussi à mon éducation sexuelle- pas celle que j’ai reçue, celle que j’ai acquise au cours de mon exploration de la planète masculine- je savais comment calmer un homme en rut sans qu’il me touche, je l'ai raconté dans quelques livres. En cela, le goût de l’érotisme peut être fortement libérateur. Voilà pourquoi, au lieu de dire face à un viol « relations sexuelles, berk ! » j’aimerais qu’on dise « relations de pouvoir : berk ». Les relations entre hommes et femmes en seraient radicalement transformées.
Les escort-girls ne sont qu'accessoirement sexuelles. L'important pour l'homme qui les loue est de se montrer avec elles et que les autres les voient. Il ne supporte pas de lire sa solitude dans le regard de ses compagnons de beuverie. S'il peut bander et jouir de surcroît, tant mieux, mais sa jouissance relève davantage de l'idée de pouvoir que de celle de plaisir. (Les Latitudes amoureuses)
La psy de service a donné une information étonnante, tout le monde a des fantasmes sexuels… sauf les violeurs. Leur fantasme à eux c'est la violence, la peur qu'ils inspirent, ils ne fantasment pas leur victime puisqu'elle n'existe pas à leurs yeux, c'est à peine s'ils la voient. Le viol est un crime de violence, finalement très peu sexuel. Pourtant, c'est le sexuel qu'on retient pour le trouver odieux. (Ce qui trouble Lola) ... Aux hommes on apprend la loi du plus fort, le viol des villageoises et des groupies pour les vainqueurs. Pour les autres, le bromure et la testostérone refoulée, l'humiliation. Leur sexe comme une arme, un signe extérieur de pouvoir, sans place pour le désir. Fascination, peur, répulsion. Un monde invivable. Dans cet affrontement agressif, le désir est un risque. Au risque de se perdre, le seul qui trouble Lola. (idem)