Mon cher Reiser,
Aujourd'hui il pleut des cordes, les tempêtes se succèdent, on se bat toujours en Ukraine et les bombes pleuvent sur la bande de Gaza, ajoutant chaque jour des dizaines de morts aux milliers déjà recensés. Ce dont nous parlions jadis- le dérèglement climatique, les pesticides poisons, la raréfaction de l'eau, les accidents et incidents nucléaires- s'est produit vu que personne n'a prêté attention aux cris d'alarme lancés par moult scientifiques et auteurs depuis 50 ans et plus.
Bref, comme tu aurais dit, "On vit une époque formidable".
Je me souviens du déjeuner que tu m'avais concocté dans ton petit appartement du 14ème, beau, bon et bio, et de la fierté enfantine que tu avais eue en me montrant les panneaux solaires alimentant ton éclairage et ton frigo: tu étais carrément précurseur!
Je n'oublie pas ton rire tonitruant lors des soirées de bouclage à Charlie-Hebdo et ton goût immodéré pour les blagues pipi-caca-zizi, sans aucun machisme. Tu pensais les femmes bien plus intelligentes- bien plus malignes disais-tu- que les hommes, croqués par toi en "Gros dégueulasse" avec slip trop grand et couilles pendantes.
Au fait, sais-tu que tous tes copains de l'époque, sauf Delfeil de Ton, sont morts aujourd'hui? Cavanna et Gébé de maladie, Bernier d'usure, et les autres assassinés. T'imagines ça: le gentil, le doux Cabu tué à la kalachnikov!
Tu es mort à 42 ans, le 5 novembre 1983, d'un cancer des os, précédant mon père de cinq semaines. Autant te dire que l'hiver 83 me fut bien triste, tout comme cette année 2023 me paraît assez pourrie à titre personnel et général.
Mais je garde à l'esprit la chance que j'ai d'avoir vécu avec toi et les autres ces moments joyeux d'il y a 40 ans et bien d'autres jubilatoires ensuite, et pour conclure sur une facétie d'humour noir que tu ne renierais pas, je t'informe, toi qui t'appelles Jean-Marc, qu'aujourd'hui Jean-Marc Reiser est le patronyme d'un tueur en série!