Et un de plus! Philippe Garrel, talentueux cinéaste de la nouvelle Vague, aurait demandé des faveurs sexuelles à des comédiennes en échange d’un rôle, ou les aurait harcelées. L’intéressé ne nie pas certains faits et s’en excuse même tout en disant qu’il n’a pas l’impression d’avoir commis des agressions sexuelles. Il a tenté sa chance, c’est tout, il a usé de son pouvoir de réalisateur face à des jeunes filles rêvant de faire du cinéma, il a fait ce que font nombre d’hommes de sa génération, les autres fermant les yeux sur ces agissements car tout le monde sait, évidemment, mais ne s’en offusque pas plus que ça.
Les gens s’étonnent que les plaignantes attendent longtemps avant de dire ou de porter plainte. Certaines évoquent la honte qu’elles ressentaient, d’autres n’osaient rien dire parce qu’on ne les aurait pas crues ou pire, elles auraient suscité un éclat de rire qui les aurait rangé illico dans la catégorie des filles coincetouilles.
Au cours de ma vie, j’ai eu affaire à des hommes persuadés que j’étais “open bar” et cela d’autant plus que j’écrivais des textes érotiques. Plusieurs fois je leur ai expliqué que pour écrire un polar point n’est besoin de braquer une banque et que, de la même façon, point n’est besoin de sauter sur tout ce qui bouge pour écrire des nouvelles érotiques. Ma chance est que voir une bite en pleine forme érectile ne m’effraie nullement, j’ai plutôt tendance à penser que le propriétaire de ladite bite est un grand malade: incroyable comme un écrivain, un scientifique de renom, un médecin dévoué peuvent être dépendants de ce bout de chair dressé lorsqu’ils gémissent: “ Tu ne peux pas me laisser comme ça!” Je l’ai déjà écrit: je déteste que leur excitaion amène ces éminents personnages à me tutoyer, et je les ré-informe qu’ils ne risquent aucun éclatement de testicules à réfréner leurs envies.
Ce qui me stupéfie en revanche, au vu de toutes les affaires qui émergent, est la complaisance qui a permis que ces agissements bénéficient de l’indulgence amusée de leurs congénères: “Depardieu est peut-être un adepte de la main aux fesses, mais pour moi il n’a pas violé” vient de dire Dominique Besnehard, agent producteur réputé, et le réalisateur Fabien Onteniente a lui aussi reconnu que Depardieu mettait volontiers la main aux fesses des jeunes comédiennes.
Il y a quelques jours, je parlais avec des amis des manifestations en Espagne à propos du baiser volé à une footballeuse par Luis Rubiales, président de la Fédération de football espagnole, et m’étonnait que les multiples affaires en France ne donnent pas lieu à de telles réactions populaires:
– Mais un baiser volé, est-ce une agression sexuelle? interrogea un des garçons présents. Je veux dire: “la bouche est-elle un organe sexuel?”
Vaste question! Je commençai par répondre que tout organe pouvant être pénétré est un organe sexuel, ce qui est le cas de la bouche, puis, réalisant que les seins et autres lieux du corps seraient dans ce cas non sexuels, j’ai ajouté:
– Pour simplifier, le corps d’une personne, femme ou homme, lui appartient et nul n’a le droit d’y toucher sans consentement de la personne. Avec cette définition, vous cesserez de hiérarchiser les agressions et de penser que juste un baiser ou une main aux fesses ne comptent pas. Ce qui compte, c’est que vous vous octroyez le droit de toucher sans permission, c’est la relation de pouvoir que vous prenez pour du désir.