Je vous ai déjà parlé ( Folie des hommes, 7 août 2008) du livre « l’affaire Winston » prêté par Jean-Claude, le voileux rencontré en Grèce. Cette histoire m’a tenue tellement en haleine qu’en rentrant j’ai dévoré «Mémoires d’un rouge », biographie de l’auteur.
Ca se passe des années 1930 à 1980 environ. Howard Fast perd sa mère à l’âge de 8 ans. Son père est pauvre, souvent chômeur. Le gamin affronte la misère pour survivre dans les faubourgs de New York et trouve son seul plaisir dans la lecture, puis l’écriture. Il publie des nouvelles, puis des romans à succès. Devient communiste parce que, dit-il, « quand on est pauvre, on est séduit par un parti qui veut s’occuper des plus défavorisés ». Howard Fast n’est pas militant, juste sympathisant, mais comme Charlie Chaplin et tant d’autres il subit la chasse aux sorcières, le Maccarthysme. Du jour au lendemain, les portes se ferment devant lui, plus aucun éditeur ne veut le publier, ses voisins ne le saluent plus, il fait de la prison (dans les années 50, l’Amérique a été la seule démocratie où on était emprisonné sur le seul soupçon d’être communiste) tandis qu’il est vénéré en URSS et invité aux grands congrès communistes. Quelques années plus tard, il découvre les crimes de Staline et quitte le Parti. Du jour au lendemain ses livres sont interdits en URSS et le parti communiste américain le voue aux gémonies.
Howard Fast raconte sa vie de façon factuelle, en hésitant, en osant dire « je ne sais pas », avec une honnêteté rare et un sens des nuances, une conscience de la complexité des choses qui rendent bien caduques nos débats manichéens de bloggers. Lui admet qu’il a rencontré au PC des gens dévoués, généreux, altruistes et cultivés, mais aussi des crétins arrogants, obtus, fermés à toute discussion et incapables d’admettre un autre point de vue que le leur. Invité chez des gens de la droite américaine conservatrice, au début de sa carrière, on lui conseille de ne pas dire qu’il est juif. Il découvre ainsi que des gens charmants et hospitaliers peuvent être aussi racistes et intolérants. bref, qu'on est toujours le con de quelqu'un... si on ne pense pas comme lui.
Rarement un livre m’a donné autant envie d’en recopier des phrases, d’en lire des citations à mes amis pour leur dire : « Voyez, tout n’est pas si simple », il n’y a pas d’un côté les bons, de l’autre les méchants, mais des logiques inverses et surtout l’immense cupidité des humains dès qu’il s’agit de prendre ou de garder le pouvoir. Avec pour seule conclusion déprimante que si le Pouvoir corrompt irrémédiablement, sans le pouvoir on ne peut guère changer le monde. (sauf son propre monde, évidemment, en souhaitant faire tache d’huile, c’est ce que je tente de réaliser)
Bref, si vous trouvez ce livre, n’hésitez pas.
(la photo d'en haut est de Richard Avedon dans sa série sur les anonymes de l'Ouest américain)