Vous en rêviez depuis des mois. Ce jour là, le cœur battant, vous avez osé franchir la porte. L’hôtesse vous a remis une serviette et une clé de vestiaire, puis informé gentiment sur le caractère « coquin » du lieu avant de reprendre sa conversation téléphonique. C’est alors que vous avez remarqué qu’elle était enceinte jusqu’aux yeux. Paradoxalement, cela vous a apaisé- une future mère, c’est rassurant- et choqué, comme si le bébé pouvait voir ce qui se passait en ces lieux. Il ne s’y passait pas grand-chose d’ailleurs. Vous avez entendu des gémissements de plaisir et vous êtes dirigé vers eux, pour découvrir qu’ils provenaient d’un film X devant lequel s’astiquaient silencieusement trois hommes mûrs. Au sauna, un couple nu s’embrassait et se caressait. Vous vous êtes assis près d’eux, surpris qu’ils vous laissent les observer, un peu gêné de votre érection naissante sous la serviette. Mais la femme vous a souri, a posé une main sur votre cuisse et vous a caressé quelques instants, tout en suçant son compagnon.
Ils se sont vite levés pour sortir. La chaleur du sauna les incommodait. Quelques instants après, l’homme est revenu vous voir. Il vous a demandé si vous accepteriez de « baiser sa femme comme une chienne». Vous avez suivi, hésitant. Dans la cabine fermée à clé, vous n’osiez pas regarder la femme offerte. Les deux époux ont souri : « c’est un jeu, n’ayez pas peur, a dit l’homme. Allez-y à fond, elle adore ça. »
Dans la brasserie voisine où je prenais un café au bar, j’ai remarqué votre air troublé. Il a suffi d’un échange de regards. Très vite vous m’avez raconté combien c’était bizarre, cette femme inconnue que jamais vous n’auriez osé aborder dans la rue, écartant ses jambes pour vous sous les yeux de son mari qui l’encourageait. Vous étiez bien loin de vos fantasmes sulfureux, loin de votre quotidien amoureux où les filles refusent presque toujours. Le sexe était devenu si simple que vous n’en reveniez pas, mais vous vous demandiez si c’était bien ou mal.
Ni bien, ni mal. Réel. Le sexe résumé aux gestes est extrêmement banal. Filmés en gros plans génitaux- c’est tout l’ennui des films porno- le président de la république, une actrice sublime, un écrivain, un ouvrier fraiseur ou une call-girl donneraient des images similaires. Ce n’est pas mauvais de le savoir, si cela permet aux gens de se décomplexer sur les prétendues prouesses amoureuses nécessaires pour être « un bon coup », si cela conduit les filles trop romanesques à cesser de se pâmer « je l’aiiiiiime ! » dès qu’un homme les fait jouir, parce qu’elles auront découvert que ce plaisir peut s’obtenir avec bien du monde et même des inconnus. La banalisation du sexe a l’avantage de lui ôter son côté interdit, sulfureux, et d’apprendre à ne plus confondre plaisir et amour.
Ensuite, tout dépendra de ce que vous ferez de cette réalité.
Vous pouvez ne plus avoir envie de faire l’amour, ce qui serait dommage…
Ou alors vous dire qu’il faut augmenter les doses pour retrouver des sensations fortes, essayer des techniques de plus en plus hard, des jeux sexuels de l’extrême, des stimulants chimiques…. C’est ce qu’essaient de vous faire croire les marchands de sexe tarifé qui commercialisent de l’excitation avec la même logique que les trafiquants de drogue et le même résultat addictif, où le plaisir cesse d’être épanouissant pour devenir destructeur.
Vous pouvez enfin, débarrassé des tabous qui parasitent la sexualité (c’est mal, c’est sale) débarrassé des confusions entre sexe et amour (chantage affectif, enjeu excessif) vous interroger enfin sur son mystère, si bien résumé par Benoîte Groult dans « Les vaisseaux du cœur », que je vous engage vivement à lire si vous voulez connaître mieux les femmes : « Comment capter cet espoir de ciel qui luit entre les jambes des hommes et des femmes ? »
Cet espoir de ciel qui fait courir l’humanité depuis qu’elle existe… A présent que vous avez constaté la banalité des gestes, il vous reste à comprendre pourquoi ces gestes peuvent être juste excitants ou totalement bouleversants. Découvrir le désir qui vous fait trembler en regardant sourire telle fille qui vous plaît et pourquoi vous avez envie de goûter sa peau et pas une autre ?
« Un désir né… à cause de son air libre et serein, sa façon d’habiter son corps, les livres qui dépassaient de sa besace, sa réaction quand il a vu que je le regardais bander… Et puis non, ce n’est même pas cela. Mon désir est né de l’émotion irrationnelle qui m’a saisie à la seconde où il est entré dans le wagon… Le désir ne s’explique pas, c’est ce qui fait son charme et sa profonde injustice. » (Ce qui trouble Lola.)
Le désir ne vous ennuiera jamais car il n’est pas répétitif. Je vous souhaite de savoir le suivre et de refuser le reste. Et, comprenant qu’il est libérateur de parfois dire « non », de respecter les refus des filles qui ne vous jugent pas, ne vous en veulent de rien mais simplement ne vous désirent pas. Vous en rencontrerez forcément qui vous désireront et que vous désirerez, et là, vous aurez la réponse à votre question : « C’est dommage que le sexe soit si banal, non ? » Oui, ça l’est si vous vous en tenez au sexe. Non, ça ne l’est pas, si cette banalisation vous délivre de vos inhibitions et vous permet d’explorer ensemble vos fantasmes, de découvrir ce trésor qu’on appelle intimité qui n’a pas de recette autre que le temps et l’attention, et de vous amuser en faisant l'amour, car c'est aussi un jeu délicieux.
J’espère que vous lirez ce billet, car vous ne m’avez donné ni votre nom, ni votre adresse.
AUJOURD’HUI 16 MARS, JULIEN COUPAT, N°D’ECROU 290173, ENTAME SON 5è MOIS DE DETENTION A LA PRISON DE LA SANTE SANS AUCUNE PREUVE QU’IL AIT COMMIS LE MOINDRE DELIT. NICOLAS S. SI PROMPT A JOUER LES LIBERATEURS (INFIRMIERES BULGARES, MEMBRES DE L’ARCHE DE ZOE, INGRID BETANCOURT, FLORENCE CASSEZ) EST BIEN INEFFICACE SUR CE DOSSIER LA. |