Mercredi soir, je dînais avec un ami et nous déplorions que les discours politiques ne parlent que d'argent, de pouvoir d'achat, d'économie, qu'en sont absents la culture, l'art, le lien social... réduit à des allocations qui divisent le monde en assistés et ponctionnés. Est-ce ainsi que les hommes vivent? Et comment s'étonner qu'ils le vivent mal?
Je suis depuis deux jours à Sciences-Frontières, festival voué à l'écologie, avec rien que du beau monde: Jean-Marie Pelt, Nicolas Hulot, Boris Cyrulnik, Corinne Lepage, Catherine Chabaud (la voileuse) Hervé Kempf, Philippe Desbrosses... et même Alain Juppé, tardivement converti à l'écologie mais pas encore capable d'en ressentir la facette humaine. Comme il a reconnu: "Nous autres, les politiques, nous ne sommes pas habitués à parler d'amour".
Et si c'était cela, justement, leur immense carence? Cette incapacité à parler d'amour, à ressentir que les autres ne sont pas que des électeurs à séduire et convaincre, mais à aimer? Car ce qui apparaît très fort dans le public, c'est qu'au-delà des inquiétudes légitimes sur le réchauffement climatique, l'épuisement des ressources naturelles et la pollution, c'est un manque criant d'amour, de chaleur humaine, le sentiment d'être emporté non pas par la foule (comme Edith ¨Piaf), mais par un tourbillon d'infos, de stress, de peurs... qui engendrent au mieux un désabusement devant une vie vide de sens, au pire de la violence pour faire entendre cette envie, tout simplement d'être heureux.
Jean-Marie Pelt, que j'ai longuement interviewé me le confirmait: "On sent une grande tension chez les gens, qui ne veulent plus de cette existence, qui veulent tout simplement du bonheur, et confondent de moins en moins le bonheur avec le matériel. Pour être heureux, il faut voir satisfaits ses besoins essentiels: nourriture, toit, santé, éducation... (j'ajouterai: culture, car c'est ce qui nous fait humains, l'art et la culture), mais ensuite, ce qui rend heureux est immatériel, affectif. Les humains ont besoin de liens entre eux, et de lien avec la nature pour ressentir la cohérence sans laquelle la vie apparaît fragmentée, déstructurante."
Boris Cyrulnik, neuro psychiatre, nous a raconté que les bébés des orphelinats de Roumanie, soignés correctement mais sans aucune affection, souffraient de troubles proches de l'autisme, et visibles au scanner: atrophie de certaines zones cérébrales. Confiés à des familles d'accueil qui leur ont simplement apporté un contact affectif et de l'attention, ils ont guéri, guérison objectivée au scanner par la reconstitution des zones atrophiées. C'est donc prouvé: l'amour peut faire revivre les neurones!