C’est un terrain dévasté, trous béants dans le bitume, des barres de fer tordues en émergent, du sable, des graviers et par-dessus le soleil, qui aspire l’humidité ambiante. Vapeur chaude, odeur pénétrante de chien mouillé, de poils de chien, troublante parce qu’aucun animal alentour ne la justifie. Elle visualise instantanément des carcasses décomposées dans les trous, la phrase s’inscrit dans son crâne : « Ils avaient assassiné des dizaines de chiens et les avaient enterrés sous le marché, là où l’odeur du sang de boucherie cacherait celle du massacre. » Beau début pour un roman gore.
Filets de poulets à débiter en lamelles à l’aide d’une lame effilée acquise au marché chinois, qui tranche silencieusement la chair. Elle regarde passer un chat, se demande comment s’enfoncerait cette lame dans un corps animal à travers les poils, les os, les muscles, comment elle pénétrerait un homme. Pas un coup de poignard à la con donné sur un coup de colère, non. La sensation lente de la pénétration. Beau début pour un thriller.
On me demande souvent à propos de mes textes érotiques « C’est imaginaire ou c’est vécu ? » Les deux, évidemment : une part de vécu et une part d’imaginaire, en proportions variables et secrètes, mais peu importe : vécu ou non, tout sort de moi, avec plus de surprises quand je vis ce que j’avais imaginé que lorsque je couche sur le papier ce que j’ai déjà vécu.
Si ces fulgurances matinales prennent vie un jour sur le papier, me demandera-t-on si j’ai tué un chat, un homme et massacré des chiens ? Pour moi, la surprise vient de ces flashes inattendus jaillissant de ma tête, un paisible matin d’août où il y avait des travaux place du marché…