Imaginons une voiture que l’on répare mille fois en y investissant beaucoup d’argent, que l’on essaie de conduire sans trop consommer, avec austérité dirais-je, et qui continue à tomber en panne malgré le recours aux meilleurs experts en mécanique et électronique automobile. Nul doute qu’on finirait par conclure que cette voiture est à mettre à la casse et qu’il faut d’urgence en inventer un modèle plus fiable. Imaginons un malade perfusé de toutes parts avec les médicaments les plus coûteux et un régime strict mais dont l’état empirerait malgré tous les remèdes de cheval administrés : on dirait que ce malade est « en phase terminale » sans espoir de guérison.
La dégradation de la note des Etats-Unis survenue cette nuit est l’ultime accès de fièvre, après la perte d’équilibre des budgets européens , la crise financière de 2008, la montée des inégalités et des souffrances sociales et la crise écologique : malgré des remèdes en milliards de dollars, malgré la sollicitude des experts économiques et financiers, malgré des cures d’austérité drastiques et injustes car inégalitaires, le système capitaliste s’écroule et la croissance appelée à son secours ( croissance du reste pas forcément souhaitable dans un monde aux ressources limitées) n’est pas au rendez-vous. Conclusion : puisqu’ il n’y a plus de remède possible, il faut changer de système, changer de logique.
« Comment ? diront certains, il n’y a pas d’autre alternative possible ! » Ben si, il y en a. Quantité d’économistes ont planché sur d’autres modèles et sur la sortie plus ou moins rapide d’un capitalisme à bout de souffle au profit d’une société plus équilibrée et plus juste. Mais depuis plus de 25 ans - ironiquement, cela a commencé quand la gauche était au pouvoir en France- on nous serine qu’il n’y a pas d’alternative au capitalisme. Lisez « Il n’y a pas d’alternative possible : 30 ans de propagande économique » ou « La décennie : le cauchemar des années 80 » et vous saurez pourquoi je déteste ces années 80. Tout comme pendant des années il y avait des alternatives au pétrole, soigneusement occultées par les pétroliers qui voulaient garder la haute main sur le marché de l’énergie, il y a des alternatives au capitalisme, des moyens de vivre et consommer autrement, des expériences ailleurs et qui marchent, mais que les medias dirigés par les financiers ont déconsidérées, traitées comme d’aimables marginalités pour encenser la pensée dominante d’une « droite décomplexée » comme disait l’autre.
En France, hélas- et dans quelques autres pays- on est plus enclin, devant une proposition nouvelle, à chercher ce qui risque de la faire échouer que de chercher ce qui peut la faire réussir. Je l’ai expérimenté au sujet des « amours plurielles » : alors qu’en Belgique, en Suisse ou au Québec, on me disait : « C’est bien étrange ce que vous racontez, expliquez-nous comment vous faites pour que ça fonctionne », en France, on me disait : « Ce n’est pas possible ! (d’aimer plusieurs personnes, de ne pas être jaloux, de fonder une famille dans ces conditions, etc). Les années passant ont prouvé que non seulement c’est possible, mais que de plus en plus de personnes cherchent dans cette voie leur propre route amoureuse.
Même constat il y a quelques jours alors que nous discutions avec un blogueur qui intervient souvent ici. Chez lui, le confort moderne cohabite avec des toilettes peu consommatrices en eau et recyclant les matières solides, du chauffage solaire, de la colle naturelle sur les étiquettes des pots de confiture (du lait, tout simplement), un compost pour le potager, la récupération des eaux de pluie, et bien sûr une maison isolée et orientée pour consommer le moins d’énergie possible et se préserver des ondes électromagnétiques nuisibles tout en étant hyperconfortable, le monsieur est Suisse et ne lésine pas sur le bien-être comme nous l’ont prouvé sa fondue et le vin allant avec. Outre ce mode de vie sobre mais pas austère, il a concocté un projet de réforme fiscale qui, sans changer la face du monde, contribuerait néanmoins grandement à l’améliorer, nous en reparlerons bientôt ici et sur le site www.autresmondesdiffusion.fr .
Je me suis amusée toute la soirée à écouter mon cher et tendre jouer les avocats du diable, c'est-à-dire énoncer les obstacles à la réussite de cette réforme plutôt que de chercher ce qui pourrait la faire réussir. Jusqu’à ce que notre ami lui réponde : « Bien sûr, il y a 50% de chances que ça ne marche pas, ou difficilement. Mais si on n’essaie pas, il y 100% de chances que ça échoue, et dans l’état actuel du monde, se donner un % de réussite pour améliorer les choses est quelque chose qu’il faut tenter. » Exactement ce que je disais à mes filles quand elles étaient petites et n’osaient pas se lancer : « Si tu essaies, tu peux échouer, mais si tu n’essaies pas, tu es sûre d’échouer. » Oser et ne pas craindre l’échec, c'est-à-dire sortir de la propagande sécuritaire et du refus du moindre risque, c’est courir le risque de réussir à transformer ce monde dont tous les gens sensés s’accordent à reconnaître qu’il va mal.