30 mars 2008
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Lumière ambrée, bar tranquille à l’heure du crépuscule. Elle lève son verre, sourit à l’homme de profil. Il sourit aussi, creusant les petites rides de chaque côté de ses lèvres, plissant soleil ses yeux… Tous deux sont juchés sur de hauts tabourets. Ils bavardent sans hâte, se racontent après des mois d’absence. Les mois ne sont rien au regard de tant d’années. Elle parle avec les mains, envol de doigts en ombres chinoises, qui se posent sur la cuisse de l’homme, reconnaissent sa chair à travers l’étoffe du pantalon. Et lui, soudain bouche contre la sienne, morsure, puis calme. Elle adore la brusquerie de ses baisers, ses impulsions gourmandes. Il se concentre sur la caresse qui se promène dans son dos et glisse sous la chemise. Le barman spontanément leur ressert un verre. Il l’avale d’un trait, jette un billet sur le marbre. « Viens, on s’en va ». Elle le suit comme une évidence, sans demander où. Il grimpera quatre à quatre les étages, ouvrira la porte comme on fracture un coffre fort. D’un geste large il fermera les rideaux de la chambre, ouvrira le lit, puis sa robe. Ils se retrouveront. Autre lieu, autre amant contre lequel se blottir, reconnaître son odeur et la veine qui palpite à la base du cou, ses mots doux qui la rendent belle. Son désir contre lequel elle se heurte et se frotte, heureuse de l’épanouir encore. Il sourit mi-fier, mi-gêné en dévoilant l’animal à tête casquée qu’elle recouvre de sa paume et presse doucement… Elle se souvient de ce qu’il lui a déjà fait, l’eau lui en vient à la bouche et ailleurs. Elle marche vers l’homme, le force à reculer, l’abat sur son lit où il s’abandonne bras en croix et yeux clos. Minutieusement, elle redessine le paysage de son corps, familier et différent. Il comporte de nouvelles pistes, d’infimes fissures à explorer, un tremblé nouveau sur une courbe. Avec la précision d’une lecture en braille, la pulpe de ses doigts déchiffre ce que la peau a vécu et lui raconte. Elle reprend ses marques sur ce territoire comme on parcourt un chemin connu, en s’étonnant d’y trouver des herbes nouvelles, des sillons creusés par la pluie comme sur les visages les sillons des larmes. Elle embrasse son cou, son torse, son ventre. Elle le goûte, il se laisse dévorer.
Au milieu des nuages, un éclair dans la rue, regard émaillé, familiarité d’une silhouette qui s’avance vers elle au milieu de la foule.
Avant qu’elle ne l’ait reconnu son cœur l’avait vu, s’était mis à battre plus fort. Dix mètres à parcourir avant qu’il ne la prenne dans ses bras. Suffisant pour qu’elle se concentre sur le plaisir de se dire qu’il lui plaît, qu’il est beau, encore, toujours… Beau des années passées, des confidences échangées, du désir et des secrets partagés de leurs deux plaisirs. De leur capacité à jouer ensemble. « Finalement, finalement, il leur fallut bien du talent pour être vieux sans être adultes »
Published by Françoise Simpère
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EROS