Dernier épisode de la série de documentaires sur « la grande évasion fiscale », celui diffusé le 12 novembre souligne un point important en période dite de « ras-le-bol » fiscal : l'étonnante connivence entre politiciens de droite comme de gauche pour étouffer les affaires de fraudes fiscales ou d'abus de biens sociaux concernant les « grands de ce monde », qu'il s'agisse de Liliane Bettencourt, Eric Woerth, Jérôme Cahuzac ou... Charles Aznavour qui a déclaré clairement avoir versé des pots-de-vin à des hommes politiques de tous bords, y compris au centre pour « qu'on lui arrange ses affaires ».
Alors que le moindre retard de paiement vaut au péquin moyen 10 % de majoration, que le moindre contrôle fiscal sur un contribuable sans relations se conclut par un redressement et (souvent) des pénalités, les puissants- riches ou décideurs, ce qui se confond souvent- échappent à la loi commune. Se veulent au dessus des lois.
C'est aussi ce qui a surpris DSK lorsqu'il s'est retrouvé inculpé pour certaines de ses pratiques sexuelles, c'est aussi ce qui surprend quand Roman Polanski a vu nombre d'intellectuels prendre sa défense à propos de ce qui était un viol, même s'il avait eu lieu des années auparavant. C'est aussi ce qui étonne quand on voit Gabriel Matzneff, apologue des pipes pratiquées sur sa verge plus que mâture par des moins de 16 ans, obtenir le prix Renaudot de l'Essai en 2013 avec de vieux articles à la gloire de ses pratiques.
Il ne s'agit pas là de pruderie, d'abord je ne suis pas très prude, ensuite je me souviens parfaitement que dans les années 70, la liberté sexuelle tolérait, même si elle restait illégale, la sexualité de jeunes ados avec des majeurs. J''ai même connu des mères fières que leurs filles de 14 ans aient « une histoire » avec tel personnage célèbre trois fois plus âgé (qui fit d'ailleurs de la prison pour pédophilie...).
Ce qui me gêne, c'est qu'alors que le moindre internaute collectionnant des vidéos pédophiles- sans pour autant « pratiquer »- est poursuivi, alors qu'un moniteur de colonie de vacances peut être inquiété s'il prend une petite fille sur ses genoux pour la consoler d'un chagrin, alors qu'on interdit aux encadrantes des centres de loisirs d'essuyer les fesses des gamins, et aux encadrants garçons d’accompagner les fillettes aux toilettes de peur que ce soit considéré comme de la pédophilie, bref alors que les précautions pour préserver la vertu du peuple virent au ridicule, ceux qui ont le pouvoir financier, politique ou médiatique restent au-dessus des lois et se protègent mutuellement. Jean-Luc Delarue a-t-il été sanctionné comme toxicomane incitant d'autres à la consommation de coke ? Pas par les tribunaux, juste par le cancer. Alors qu'un adolescent surpris à faire goûter un pétard à un pote peut être emprisonné comme dealer.
Les riches et les puissants ont l'argent, le pouvoir et les femmes, tant mieux pour eux. Mais il ne leur suffit pas d'être heureux, encore faut-il que les autres soient malheureux comme disait je ne sais plus quel humoriste. Les autres, c'est à dire vous et moi, n'avons que le droit de contempler le spectacle de ces « people » qui peuvent tout se permettre sans crainte d'être poursuivis. Le creusement des inégalités, ferment de violence bien compréhensible, n'est pas que financier, il est dans cette injustice qui réserve l'impunité aux puissants et multiplie les contraintes pour les autres.
La majorité des gens paient leurs impôts même s'ils espèrent toujours pouvoir « gratter » un peu de ci- de là pour en payer moins. Le « ras-le-bol » fiscal qu'agitent les médias en chœur est un argument des riches pour se poser en victimes alors que « Bercy » leur garantit à chaque augmentation d'impôt que celle-ci sera compensée par une réduction ailleurs (réduction évidemment financé par les contribuables lambda).
Le vrai ras-le-bol, c'est celui des inégalités qui font que la majorité des citoyens paient tandis qu'une petite minorité s'exonère de sa contribution légale aux services publics, et qu'à cause de ce manque à gagner, les services publics se détériorent de jour en jour, pourrissant la vie de c eux qui en ont besoin.
Le vrai ras-le-bol, c'est de savoir que « Bercy » dispose d'un verrou lui permettant d'empêcher que soit poursuivi tel ou tel riche contribuable (voir le documentaire de France 5 sur ce sujet dit "du verrou de Bercy").
Le vrai ras-le-bol, c'est de savoir qu'en France, le clivage ne se fait plus entre gauche et droite, mais entre gens de pouvoir « du même monde » et citoyens. Ce qui enlève à l'acte pourtant essentiel de voter- des gens sont morts pour avoir le droit de vote- une bonne part de sa signification.