J'aime le train, au point d'emprunter d'improbables tortillards comme le Gaillac/ Clermont-Ferrand : 25 arrêts, 5h de trajets pour environ 300km. Et de prendre régulièrement le train de banlieue, tout en me demandant pourquoi, si je vais à Montparnasse- de gare à gare, donc- je dois payer un ticket combiné train+métro alors qu'il existait autrefois des tickets train, et des tickets métro dont l'addition n'était pas plus chère. Et pourquoi le combiné permet de prendre le train, puis le métro, mais pas le train, puis le bus. Parce que le bus, c'est la RATP ? Ben le métro aussi !
Aux jeunes qui n'ont pas connu la guerre de 1968- comme dirait Franck Lepage- je jure qu'il fut un temps où on pouvait acheter un billet dans n'importe quelle gare et l'utiliser pendant 2 mois le jour qu'on voulait, ou se le faire rembourser sans difficultés si on ne l'avait pas utilisé. La réservation était un choix, pas une obligation. Et le train annoncé à 18h43 arrivait effectivement à 18h43, cela émerveillait la petite fille que j'étais, une telle exactitude après des centaines de kilomètres.
Aujourd'hui, tout a été mo-der-ni-sé et voilà le résultat. Je ne parle pas des accidents de cet été, c'est un autre sujet. Je parle des tracasseries qui accompagnent la détérioration d'un service public jadis irréprochable.
Samedi 22 juin: « notre train est arrêté en pleine voie par suite des intempéries ». Bizarre qu'un engin fait pour rouler dehors ne soit pas adapté aux intempéries, mais de plus, il fait un temps superbe ! Renseignements pris, il y a eu un orage le jeudi et des arbres sont tombés sur la voie. Enlevés le vendredi, puis les agents sont partis, prévoyant d'éliminer les arbres chancelants le lundi suivant. Las ! Les végétaux ne respectent pas le week-end et sont tombés le samedi !
J'entends d'ici les clameurs de certains sur la paresse des « fonctionnaires » de la SNCF incapables de bosser le week-end. Point du tout, mes seigneurs, la preuve : il y avait foultitude d'agents pour faire face à l'immobilisation du train. En revanche, les effectifs de maintenance, drivés par RFR (Réseaux ferrés de France) sont en diminution constante pour cause d'économies. Or, pour bosser le week-end, il faut y être autorisé par son patron, et payé, tant qu'à faire... Bilan : 2h de retard sur un trajet prévu de 3h. Et aucune indemnisation, « l’intempérie » étant un cas de force majeure.
25 Juillet : après 200km à vélo, je fais la dernière étape en train et prends soin de vérifier auprès d'un agent SNCF qu'il est possible d'embarquer une bicycletteà bord. « Pas de problème ! » Mais sur le quai, cinq minutes avant le départ, un contrôleur me demande si j'ai payé la réservation à 20 euros pour mon deux-roues « Non, on m'a dit que c'était d'accès libre. -Non madame, ce n'est pas libre. »Vu l'urgence, je le préviens que je monterai quand même et lui se réjouit à l'idée de verbaliser... Arrive un collègue qui soupire : « Je me suis fait engueuler par le chef hier. - Pourquoi ? - J'ai verbalisé un voyageur monté avec son vélo sans réservation deux-roues. - Et alors ? -Depuis cette semaine, c'est gratuit, il n'y a plus besoin de billet pour les vélos. » La consigne n'avait pas été transmise, et nombre de voyageurs ont dû être verbalisés à tort...
12 août : par Internet je réserve un billet pour le 21 août et demande l'envoi du billet à domicile. D'ordinaire, ça marche très bien mais là, rien. Le 17, je reçois un mail « Vous n'avez pas confirmé votre réservation, il est encore temps d'acheter votre billet ». Munie du mail de confirmation et paiement, je m'énerve cinq minutes sur le serveur payant 36-35 puis déniche un numéro magique- prix d'une communication locale et personne réelle au bout du fil- qui m'assure que mon billet est parti le 13 août et que le mail que j'ai reçu vient d'un bug sur le site, comme d'habitude.
Le 19, toujours rien. Je rappelle le numéro et demande comment obtenir un duplicata de mon billet. Surprise : « La SNCF ne délivre pas de duplicata car les billets ne sont pas nominatifs (FAUX : avec une réservation, le nom est inscrit sur le billet). Vous devez acheter un nouveau billet à un guichet que vous obtiendrez dans les mêmes conditions tarifaires (merci, SNCF!) et remplir un formulaire pour que la SNCF vous rembourse les billets non parvenus à destination. Je réponds qu'il est hors de question que j'avance 144 euros à une entreprise infoutue de remplir ses engagements et qui, de surcroît, mettra plus d'un mois à me rembourser. « Je vais partir avec mon mail de confirmation et ferai une réclamation à la direction. » L'interlocuteur hésite, il sait que l'appel « est susceptible d'être enregistré dans le cadre de l'amélioration du service » : « Vous faites comme vous voulez, mais je ne peux vous recommander une solution non prévue dans la procédure officielle. »
Heureusement, le billet est arrivé le 20 après-midi. Je dis « heureusement » car sur le quai, il y avait un contrôleur à l'entrée de chaque wagon, qui aurait été capable de m'empêcher d'embarquer. Manque d’effectifs pour la maintenance, mais pas pour le contrôle...
26 août : « notre TGV est immobilisé en pleine voie car le TGV qui le précède a heurté un chevreuil. Retard prévu de 50 minutes ! » Un éclat de rire salue l'annonce : chasser le chevreuil avec un TGV, on ne nous l'avait jamais fait ! Quand le train est reparti après 15' d'immobilisation mais est tout de même arrivé avec 50' de retard, on s'est demandé si le malheureux chevreuil n'avait pas été condamné par représailles à tracter l'attelage.
Je ne vous aurai pas narré ces petites mésaventures si je n'avais déniché dans un RELAY un recueil intitulé « A bord, petites histoires de train » édité par la SNCF, dont la dithyrambique présentation m'a inspiré un fou-rire nerveux :
De Rennes à Marseille, en passant par la Belgique, ils ont de belles histoires à raconter ces contrôleurs nommés désormais « chefs de bord ». Des histoires poignantes, inattendues, tantôt tendres, tantôt rudes. Assister à un accouchement, sauver une vie, éviter un braquage, improviser un concert dans le train ou un pique-nique à quai ou faire face aux incivilités ordinaires, la vie du contrôleur n’est pas un long fleuve tranquille. Et tout son art réside dans le goût du dialogue et le sens de l’improvisation.