Après l’ornithorynque et le kangourou, poursuivons nos chroniques animalières australiennes avec l’émeu, volatile de la classe des dromaiidés, sans aucun rapport avec les dromadaires bien que le chameau sauvage - en réalité un dromadaire- soit devenu un fleuron d'Australie. Non seulement l’animal originaire d’Afghanistan s’est adapté, on ne peut faire autrement lorsqu’on débarque dans une île-continent dont une ville se nomme Darwin, mais il s’est pourvu de bosses géantes lui permettant de parcourir l’immensité aride du bush sans boire une goutte d’eau. Je n’ai connu qu’un seul autre animal capable d’en faire autant, c’était un charmant allemand croisé un soir dans un pub au cœur du bush, qui avait décidé de traverser le désert à vélo. Lui non plus ne buvait pas une goutte d’eau mais affectionnait la bière…
Revenons à l’émeu, qu’il ne faut pas confondre avec l’autruche, oiseau de la famille des Struthionidae comme chacun sait, bien que les deux volatiles aient en commun un regard d’une ineffable intelligence qui fait dire aux connaisseurs que l’autruche a les yeux plus grands que le cerveau, et aux aborigènes que le filet d’émeu est décidément très savoureux, aussi respectueux de leurs frères animaux soient-ils, ce qui prouve qu’il y a toujours des arrangements avec l’amour du prochain.
L’autruche a une espérance de vie pouvant atteindre 70 ans et une vitesse de pointe de 70km/h, ce dont il ne faudrait pas conclure à une dimension de 70² car 70 quoi et de quel carré, je vous le demande ! L’émeu avec ses 20 ans d’espérance de vie et 55km/h maximum au pas de course ne fait pas le poids, et d’ailleurs pèse beaucoup moins. Les deux sont cependant exploités par les humains pour leurs œufs, leur viande, leurs plumes et leur cuir dont les décoratifs pointillés, si jolis en incrustations de vestes haute couture, ne doivent rien à John Galliano et tout à l’empreinte laissée par la tige des plumes. L’émeu fournit également une huile réputée localement pour ses propriétés anti-inflammatoires.
Malgré l’incontestable suprématie de l’autruche pour la taille et la vitesse, l’émeu affiche une tout aussi incontestable supériorité en matière de savoir-vivre. Cet animal endémique d’Australie (et de Nouvelle-Zélande) a développé un système de climatisation interne genre pompe à chaleur réversible, qui lui permet en respirant de rafraîchir l’air sec et torride en été et de réchauffer l’air glacé et humide en hiver, les merveilles de la nature n’ont décidément pas fini de nous subjuguer, ce qui explique peut-être la propension de l’humain à la détruire, haine et amour étant des sentiments souvent liés quoique ambivalents.
Si l’on dit « une » autruche, on dit souvent « un » émeu, ce qui n’empêche pas madame Emeu d’exister et d’être féministe. Ca tombe bien, le mâle Emeu mal aimé est papa poule. Il couve les œufs, les retourne régulièrement pour leur assurer un réchauffement uniforme et ne mange pas, ne boit pas et ne défèque pas durant toute cette période, plus consciencieux tu meurs et on s’étonne d’ailleurs qu’à un tel régime il survive mais si, puisqu’il assure ensuite les premiers soins aux bébés émeus jusqu’à ce que ceux-ci soient capables de se débrouiller. J’aperçois d’ici quelques lectrices émues par l’émeu … Pendant ce temps, la femelle Emeu surveille les alentours pour chasser d’éventuels prédateurs, mais bien plus souvent, elle s’en va toute pimpante à la recherche d’un autre mâle à « engrosser », la bougresse!
Rien de tel chez l’autruche dont le mâle est polygame malgré une allure quelque peu équivoque genre collants roses et je te tortille du croupion. L’œuf d’autruche, qui peut atteindre 1,6kg, doit échapper à la convoitise de l’homme- une omelette pour 12 avec un seul œuf, c’est tentant- et à celle de l’artiste, tout heureux de peindre la coquille et de la décorer avec des lanières de cuir pour fourguer cet objet typique à des touristes qui se demanderont au retour où caser cet objet si pittoresque sur place mais totalement incongru dans un salon occidental moderne.
L’autruche a donc moins de raisons que l’émeu de souhaiter donner naissance à un petit du reste peu pimpant avec son duvet gris, car l’autruchon gris, chacun le sait, a provoqué bien des conflits, dont le plus sanglant fut la guerre de 14/18.